Naissance de la comédienne Rachel

RETOUR AU DOSSIER

Par Jean-Claude Yon, directeur d’études à l’EPHE, spécialiste de l’histoire des spectacles


Plus célèbre actrice française de l’époque romantique, Rachel a rencontré le succès non dans le répertoire de Victor Hugo, Alexandre Dumas ou Alfred de Musset mais en interprétant la tragédie classique à la Comédie-Française. Sa carrière fulgurante, sa vie privée agitée et son destin tragique en ont fait une des premières stars de la scène française, si ce n’est la première.
La naissance d’une étoile
Fille d’un colporteur juif, deuxième de six enfants qui se consacrèrent tous au théâtre, elle connaît la misère mais parvient à se faire remarquer et, à quinze ans, alors que sa famille est installée à Paris depuis trois ans, elle est admise au Conservatoire. Après un bref passage au Théâtre du Gymnase, elle est engagée en 1838 à la Comédie-Française grâce à la protection de son professeur et mentor Samson. La critique, Jules Janin en particulier, s’enthousiasme pour ses débuts dans Camille d’Horace, Émilie de Cinna, Hermione d’Andromaque et Aménaïde de Tancrède, alors même que le drame romantique s’essouffle. Son prodigieux succès dans le répertoire de Corneille, Racine et Voltaire lui permet d’accéder au sociétariat en 1842 et de multiplier les tournées (à partir de 1840 en France et dès l’année suivante à l’étranger). En 1848, son interprétation vibrante de La Marseillaise (qu’elle chante 37 fois à Paris) en fait une icône de la Seconde République, ce qui n’empêche pas celle qui avait été la maîtresse du prince de Joinville, fils de Louis-Philippe, de participer, le 22 octobre 1851, à la représentation par laquelle la Comédie-Française célèbre le futur rétablissement de l’Empire. C’est du reste du comte Walewski, fils illégitime de Napoléon 1er, qu’elle avait eu un fils en 1844.
Une figure éminente de son temps 

Tragédienne exceptionnelle, actrice acclamée sur toutes les scènes de l’Europe, Rachel est toute puissante à la Comédie-Française, établissement qui lui offre des appointements exceptionnels et de longs congés mais avec lequel elle entretient des relations compliquées, ce qui la conduit à donner trois fois sa démission ! Ses créations d’auteurs contemporains rencontrent des fortunes diverses. Delphine de Girardin, George Sand, Emile Augier et Eugène Scribe écrivent pour elle. Ce dernier, associé à Ernest Legouvé, lui offre son meilleur rôle en prose avec Adrienne Lecouvreur (1849), drame où elle incarne sa devancière, la grande tragédienne du XVIIIe siècle.

Fatiguée par de lucratives mais épuisantes tournées qui lui font parcourir la France et l’Europe, de Londres à Saint-Pétersbourg, Rachel entreprend à l’été 1855 une grande tournée en Amérique. Mais la maladie l’oblige à écourter son périple. Elle donne sa dernière représentation (en l’occurrence Adrienne Lecouvreur) en décembre 1855 à Charleston. Elle ne remontera plus sur scène. Revenue en France en février 1856, elle meurt en janvier 1858 d’une maladie de poitrine. Comédienne adulée, Rachel a su insuffler modernité et énergie au répertoire classique ; femme libre, elle a été représentée par une cinquantaine d’artistes qui – en peinture, en sculpture, en lithographie ou en photographie – ont contribué à faire d’elle, au-delà même du théâtre, une des figures féminines les plus fameuses du XIXe siècle.

Print Friendly, PDF & Email
Retour haut de page