Victor Baltard et les fêtes impériales

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Article d'Elsa Jamet, docteur en histoire de l'art


En 1853, Victor Baltard, alors architecte de la ville de Paris, est nommé architecte des fêtes de la ville. Il succède à Louis Visconti, architecte des fêtes et des cérémonies de 1837 à 1853, à ce poste politique hérité de l’Ancien Régime. Avec cette nouvelle fonction, il est amené à être un ordonnateur des réceptions ordinaires de la municipalité et surtout des fêtes impériales.
La fête impériale ou la « passagère fantaisie » (Gazette des Beaux-Arts, 1er mai 1874) occupe une place à part dans la carrière de l’architecte. Pendant les premières années du Second Empire, Baltard participe à mettre en scène la grandeur du pouvoir impérial et de sa famille, pour le compte de la ville de Paris.

Dès sa nomination, l’architecte est chargé d’organiser les fêtes offertes par la municipalité en l’honneur de Napoléon III et du prince impérial. Le 30 janvier 1853, à l’occasion du mariage de l’empereur, Baltard conçoit des décorations de l’Hôtel-de-Ville. En 1856, il est de nouveau appelé pour glorifier la famille impériale à l’occasion du baptême du prince : il imagine les décors de l’Hôtel-de-Ville qui accueille le banquet et la fête. Pour l’occasion, Baltard dispose d’une grande liberté : girandoles, torchères et tapis de moquette se déploient dans la salle du banquet, le grand escalier, la cour Louis XIV et la galerie des fêtes. Sur la place de l’Hôtel-de-Ville, il fait dresser une grande charpente reproduisant la façade de l’édifice, recouvert d’illumination au gaz spécialement amené de la rue de Rivoli. C’est également Baltard qui est chargé cette même année 1856, du dessin et de la conception générale du berceau du prince impérial offert par la ville de Paris.

Outre ces évènements familiaux, Baltard participe aux démonstrations de la grandeur du règne de Napoléon III lors de prestigieuses réceptions des dignitaires étrangers dont l’une des plus célèbres est celle organisée pour la visite de la reine Victoria, en 1855. De même, l’architecte de la ville est l’ordonnateur de la fête nationale du 15 août 1854 rythmée par des joutes, des régates, des pièces de théâtre, des exercices de voltiges, une ascension en ballons, des fêtes de nuit, des concerts, des illuminations et des feux d’artifice.

Véritable metteur en scène de la gloire impériale, Baltard est aussi l’architecte des fêtes offertes en l’honneur des troupes de Crimée et d’Italie. En décembre 1855, à l’occasion du retour des troupes de Crimée, il dessine un grand arc de triomphe pour la place de la Bastille, tandis que plusieurs autres arcs sont prévus le long du parcours du cortège, ponctué de trophées, de mâts vénitiens et de guirlandes. Il prévoit même, le soir, une illumination générale. Quant à la fête pour le retour des armées d’Italie, elle est organisée en août 1859 autour de la place Vendôme.

Baltard est aussi chargé de mettre en scène les inaugurations des nouvelles voies parisiennes, fêtées en présence du couple impérial. Ces évènements sont l’occasion pour l’Empereur de montrer l’importance de ces grandes transformations urbaines. Le 5 avril 1858, Baltard organise l’inauguration du boulevard de Sébastopol ; le 15 avril 1861, celle du boulevard Malesherbes puis le 5 décembre 1862 du boulevard du Prince-Eugène (aujourd’hui boulevard Voltaire) et de la place du Trône (aujourd’hui place de la Nation). Pour cette place, il fait le choix de rompre avec ses habituels décors de mâts et de guirlandes, visibles sur le boulevard du Prince-Eugène, en s’appuyant davantage sur une architecture antique imposante. Ainsi, la place accueille une véritable mise en scène avec un vaste décor éphémère constitué d’un portique circulaire à arcades, entre colonnes, enveloppant la place. Au centre, il dispose un arc de triomphe en bois et stuc, voulu comme pendant de la place de l’Étoile, et une fontaine dominée par une Victoire ailée. Deux colonnes monumentales de Saint-Louis et Philippe-Auguste complètent l’ensemble. Baltard transforme en « un instant cette place du Trône en une entrée magnifique du Paris de Napoléon III » (Gazette des Beaux-Arts, 1er mai 1874). Ces célébrations des grands travaux sont l’occasion pour l’empereur d’assoir son pouvoir et sa politique urbaine. Et Baltard, en architecte des fêtes, participe à ce couronnement.

À ces différentes contributions pour les fêtes, Baltard est encore amené à travailler pour la famille impériale à la direction et l’invention d’un grand bijou décoratif représentant l’empereur entouré d’ornements et de pierreries et à la direction des albums offerts à l’impératrice et au prince impérial.

Si la carrière de Baltard a été quasi exclusivement au service de la Ville, elle lui a permis de travailler pour la famille impériale en imaginant, concevant et exécutant des décors éphémères au service des gloires du règne de Napoléon III.

 

À lire 

Pierre Pinon, Louis-Pierre et Victor Baltard, Paris, Editions du Patrimoine, 2005.

Alice Thomine-Berrada, Baltard architecte de Paris, Paris, Gallimard, Musée d’Orsay, 2012.

 

 

 

Crédits images 

Illustration de l’article :

 Décors de Victor Baltard :  Visite de la reine Victoria à Paris en 1855, le souper offert par Napoléon III dans la salle de l’Opéra du château de Versailles, le 25 août 1855, château de Versailles ©Wikimedia Commons.

Illustration de bas de page : Berceau du Prince Impérial Louis-Napoléon (1856-1879), Baltard, Victor , Architecte, 1856, © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

 

 

 

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