Sadi Carnot revit

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Article de Gilles Bertrand, professeur émérite à l’université de Bourgogne, président du conseil scientifique de l’Académie François Bourdon


Si les Réflexion sur la puissance motrice du feu reçurent à leur parution en 1824 un succès d’estime dans le monde savant, l’ouvrage n’eut pas d’échos immédiats. Son auteur, Sadi Carnot, mourut en 1832 sans avoir connu la satisfaction de voir ses théories validées, ni bénéficié d’une véritable reconnaissance publique.

Il faut attendre 1834 pour qu’Émile Clapeyron publie un article dans le journal de l’École polytechnique, explicitant les idées de Sadi Carnot. C’est lui qui représente dans un diagramme p,V (pression-volume) le cycle de la machine idéale réversible conçu par Carnot et connu depuis comme cycle de Carnot. Sadi Carnot commence alors à influencer progressivement le corps scientifique. Des ingénieurs développent leurs machines en s’inspirant de Carnot : François Bresson (1829), Boucherot (pyraéromoteur, 1835), Louis Franchot (nouvelle machine à air, 1838), Victor Regnault (1847, il accueille William Thomson dans son laboratoire à Paris en 1845 qui y découvre Clapeyron et Carnot), Ferdinand Reech (1851).

Principes de la thermodynamique

Les idées de Carnot une fois redécouvertes, il faut attendre James Prescott Joule pour voir aboutir en 1843 la formulation explicite de la conservation de l’énergie (premier principe de la thermodynamique) et la mesure de l’équivalent mécanique de la chaleur. William Thomson (futur lord Kelvin) établit l’échelle absolue des températures en 1848 (« D’une échelle thermométrique fondée sur la théorie de Carnot de la Puissance Motrice de la Chaleur et calculée à partir des observations de Regnault. »). Peu de temps après, Thomson et Clausius énoncent le second principe de la thermodynamique découvert par Sadi en 1824. Leurs travaux mettent en accord la théorie dynamique de la chaleur (Joule) et les théories de Sadi Carnot. En 1865, Clausius, développant plus profondément ces théories, introduit l’entropie S=Q/T comme fonction d’état du second principe, fixant définitivement le cadre de la thermodynamique.

Ainsi, bien que Carnot ne donne aucune indication montrant qu’il ait anticipé les principes qui sont à la base de la thermodynamique, il en est, sans aucun doute, le principal pionnier. C’est d’ailleurs dans son article de 1849 que Thomson invente le terme « thermodynamique » pour qualifier la machine de Carnot ; il va jusqu’à déclarer : « Il n’y a rien de plus grand dans toute l’étendue des sciences. ». En 1872, l’ouvrage de Sadi Carnot est réédité dans les Annales scientifiques de l’École normale supérieure.

Des écrits posthumes révélateurs

Parmi ses écrits posthumes, on trouve d’abord ceux que son frère Hippolyte dépose à l’Académie des Sciences en 1878, c’est-à-dire trop tardivement pour pouvoir influer sur le développement de la science. Une partie se retrouve dans le volume de 1878 publié en hommage à son frère, rééditant les Réflexions avec l’insertion d’un « extrait de notes inédites de Sadi Carnot sur les mathématiques, la physique et autres sujets ». C’est sans doute entre 1828 et 1832 que Sadi établit l’équivalence mécanique de la chaleur en même temps qu’il renonce à la théorie du calorique qui imprégnait encore son essai de 1824, en admettant que la chaleur n’est rien de plus que de la puissance motrice (nous dirions aujourd’hui de l’énergie), proposant avec dix ans d’avance sur Mayer et Joule une valeur numérique de l’équivalent à 2 % près. D’autres manuscrits sont publiés seulement en 1927 par Émile Picard « Sadi Carnot- biographie et manuscrit ». D’autres encore, retrouvés en 1953, puis déposés à l’École polytechnique en 1954, contiennent le fameux manuscrit intitulé Recherche d’une formule propre à représenter la puissance motrice de la vapeur d’eau. D’autres pépites sont peut-être encore enfouies dans des archives familiales ou des fonds encore inexplorés…

Crédits images :

Illustration d’accueil : Notes de Sadi Carnot relatives à des expériences, cote 1 J 115 © Académie des sciences

Illustration de l’article : Uniformes de l’école polytechnique, de 1796 à 1814, “1823-1876”, estampe anonyme, vers 1933 © Paris Musées Collections

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