Naissance de Louis Blériot

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Par Bernard Marck, historien, spécialiste de l’aviation, membre correspondant de l’Académie de l’air et de l’espace


Né à Cambrai, dans le Nord, le 1er juillet 1872, l’ingénieur, constructeur et aviateur français Louis Charles Joseph Blériot est le premier pilote breveté au monde (brevet n° 1, du 7 janvier 1909, passé sur un monoplan de sa construction) et l’auteur de la première traversée de la Manche en aéroplane, le 25 juillet 1909, à bord d’un monoplan de type Blériot XI. L’exploit intervient après une longue série noire, faite de tâtonnements, de chutes, de décep­tions. Mais le pionnier, homme bourru, réputé pour son fichu caractère, possède des qualités indéniables d’ingénieur et une vertu : la persévérance.

Orthoptère, planeur et biplan : les déboires d’un ingénieur automobile

Entrepreneur dans le domaine automobile, il dirige avec succès une fabrique de phares et de lanternes de son invention quand il décide d’investir ses bénéfices dans l’aviation. Il n’hésite pas non plus à essayer lui-même ses machines. Certes, il tombe souvent mais, expliquera-t-il par la suite, « de chute en chute, je m’élevais – sans plaisanterie – chaque jour davantage ». Sa poisse ne tient pas seulement aux éventuels défauts des machines : en effet, le constructeur Gabriel Voisin n’hésite pas à qualifier Blériot d’expérimentateur médiocre.

Louis Blériot aborde les recherches aéronautiques en 1899, ce qui le conduit à mettre au point un orthoptère à ailes battantes, un engin étrange avec lequel il déchante rapidement. En 1901, il produit un appareil du type Langley-Wright, qu’il perfec­tionne sans pour autant obtenir de stabilité recherchée. Commence alors son association avec Gabriel Voisin ; dans l’« avionnerie » de ce dernier, Blériot conçoit un planeur muni de flotteurs, à bord duquel, remorqué par un canot automobile, il effectue des essais peu probants sur la Seine. En 1906, il sort un engin pourvu de flotteurs, qu’il ne parvient pas à arra­cher de la surface du lac d’Enghien. Bref, Blériot accumule les échecs, au point de se voir surnommé « l’homme qui tombe toujours ».

Comme il l’expliquera au journaliste Jacques Mortane : « Je m’étonne encore maintenant de la patience qu’il m’a fallu déployer pour arriver à faire triompher mes idées. […]. Jamais, prétendait-on, un monoplan ne pourra s’envoler. » En tout cas, Blériot per­sévère. Par ailleurs conscient que « l’équilibre automatique est une chimère », il pense résoudre la question au moyen du manche à balai, dont l’invention sera également revendi­quée par Robert Esnault-Pelterie. Sa position nettement favorable au monoplan et des diver­gences techniques amènent, en 1906, la rupture de son entente avec Voisin, quant à lui attaché au biplan.

Le pari (réussi !) du monoplan

Libre, Blériot fonde sa propre entreprise, non loin de la porte Maillot, reprend ses recherches et crée son premier monoplan, le Blériot V « canard », un appareil équipé d’ailes incurvées et caractérisé par ses gouvernails situés à l’avant. Ce « canard » maladroit se plante dès son premier essai, le 19 avril 1907. L’obstination paie encore car, en 1907, Blériot réussit les premiers envols à Issy-les-Moulineaux, aux commandes du numéro VI, sorte de libellule reconnaissable à ses deux paires d’ailes en tandem. Il parcourt des distances de 150 à 184 mètres, ce qui constitue les premiers vols officiels sur monoplan.

Néanmoins, les déboires continuent. Pourtant, déclare Blériot « les vols étaient parfaits, relativement à l’époque… ». Et de préciser, non sans un humour grinçant : « atterrissages merveilleux, mais manquant de charme. […] Mais plus je tombais, plus je sentais que j’approchais du but ». Il progresse assurément, notamment avec le Blériot VIII, appareil muni de tous les systèmes de contrôle et de commande, avec gouvernail à l’arrière.

Le constructeur exulte : « Maintenant, je vole avec aisance, je vire, je file droit, je peux lutter contre le vent. » Le 6 juillet 1908, il tient l’air pendant huit minutes. « Les rieurs ne rient plus », ironise Blériot. Entre le 21 et le 31 octobre 1908, il accomplit le premier voyage aérien aller et retour : Toury, en Eure-et-Loir, avec atterrissage à Artenay (Loiret), puis à Santilly, en Eure-et-Loir avant le retour sur Toury. Ainsi, « l’homme qui tombe toujours » sait se relever et tirer profit de ses coups durs : le 12 juin 1909, à Issy-les-Moulineaux, il emporte deux passagers, dont Santos-Dumont, sur une distance de 250 mètres et à une hauteur de cinq mètres : le même jour, il franchit deux kilomètres avec un passager à bord : le 13 juillet 1909, il remporte le prix du Voyage décerné par l’Aéroclub de France, à l’issue d’un vol entre Étampes et Orléans, soit 41,2 kilomètres, avec une escale à Arbouville. Enfin, le 25 juillet, quatre jours après avoir reçu la Légion d’honneur, il entre dans l’Histoire comme le premier aviateur à avoir vaincu la Manche. A l’issue de ce vol difficile, Blériot laisse exploser sa joie, à la surprise de Julien Mamet et Ferdinand Collin, ses deux mécani­ciens : ils n’en croient pas leurs yeux quand ils voient leur patron « rayonner littéralement ». « Nous avions donc un patron qui riait, confiera Collin. ».

Blériot Aéronautique

Pour Blériot, réconforté par le prix du Daily Mail, les affaires prennent une tournure salu­taire : l’État lui passe commande de cent exem­plaires du Blériot XI, lequel sera également retenu par de nombreuses écoles de pilotage et construit en Italie. Célébré, il ne se laisse pas gri­ser par la gloire et reprend ses activités : en août 1909, il participe à la grande semaine de l’avia­tion de Champagne, à Bétheny, près de Reims, où l’homme de la Manche devient aussi l’homme le plus rapide avec… 75 km/h. La consécration de Blériot vient en 1927 : lorsque le maréchal Joffre demande à Lindbergh, héros de l’Atlantique Nord, s’il souhaite rencontrer un Français en particulier, celui-ci répond spontanément : Louis Blériot !

Quand il évoquait son vol historique, Blériot se contentait d’une poignée de mots : « Je partis des Baraques, m’envolai et atterris près de Douvres. C’est simple, voilà tout. » Il s’éteint à Paris, le 1er août 1936 ; il est inhumé au cimetière des Gonards, à Versailles.

Crédits images : 

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Bannière : Photographie de Louis Blériot sur une carte postale © MUS – Musée d’histoire Urbaine et Sociale de Suresnes

Chapô :  Action des Établissements L. Blériot en date du 27 septembre 1905. ©WikiCommons

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Bannière : Ateliers Aéronautiques de Suresnes © MUS – Musée d’histoire Urbaine et Sociale de Suresnes

Bas de page : Robert Delaunay. Hommage à Blériot, 1914, huile sur toile, 46,7 × 46,5 cm © Wikicommons / Musée de Grenoble 

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