Henri Farman, pilote, constructeur et transporteur aérien

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Par Jérôme de Lespinois, lieutenant-colonel de l’armée de l’air et de l’espace, docteur en histoire


Né à Paris le 26 mai 1874, Henri Farman est le deuxième fils d’un couple de Britanniques installés en France qui s’engage tout d’abord dans des études à l’École des beaux-arts, comme artiste peintre, avant de se tourner vers la compétition sportive puis de s’investir dans le développement de l’aviation dont il devient un des pionniers, en remportant plusieurs records mondiaux puis en se lançant dans la construction aéronautique et l’exploitation de lignes aériennes commerciales.

Le sport, sur la route et dans les airs

Issu d’un milieu aisé, Henri Farman est d’abord un sportif passionné de sports mécaniques. À la Belle Époque, il remporte seul plusieurs courses cyclistes dont le championnat de France en 1892, puis, avec son frère cadet Maurice (1877-1964) des courses en tandem et, enfin, avec son frère aîné, Dick (1872-1940) des courses en tandem triplette. Il se passionne ensuite avec son frère Maurice pour le sport automobile. En 1902, il arrive en deuxième position dans la course Paris-Vienne et, en 1903, remporte le Paris-Roubaix. L’année suivante, il est victime d’un accident de la route lors d’une compétition automobile.

En juin 1907, alors que l’aviation n’en est qu’à ses débuts, Henri Farman, à l’âge de 33 ans, se tourne vers la compétition aérienne et achète un avion biplan doté d’un moteur Antoinette de 50 cv à Gabriel et Charles Voisin qui avaient fondé la première usine d’aviation au monde. En janvier 1908, après avoir méticuleusement préparé son vol, il accomplit avec son appareil un circuit fermé d’un kilomètre et remporte ainsi le prix Deutsch-Archdeacon doté de 50.000 francs. C’est la première fois dans l’histoire de l’aviation qu’un appareil s’est incliné pour virer à 180 degrés devant des commissaires chargés d’homologuer la performance. Une revue aéronautique célèbre écrit : « C’est de cette performance que date la conquête définitive de l’air ». Henri Farman enchaîne ensuite les performances : vol avec passager, records de durée, de distance… En octobre 1908, il effectue le premier vol au-dessus de la campagne – c’est-à-dire en s’éloignant de la vue d’un terrain d’aviation – en reliant Mourmelon à Reims situé 27 kilomètres plus loin. En 1909, lorsque l’Aéroclub de France décide de créer un brevet de pilote, il reçoit le n° 5.

Du pilotage à la construction

Parallèlement, grâce à sa collaboration avec les frères Voisin, Henri Farman perfectionne son biplan. Puis, en 1909, il crée sa propre société de construction aéronautique à Issy-les-Moulineaux et vend la même année deux avions au ministère de la Guerre. Assez bon ingénieur, il apporte de nombreux perfectionnements à ses appareils : ajout de volets aux surfaces portantes, d’un manche à balai qui commande les ailerons et le gouvernail de profondeur… Puis Henri s’associe avec son frère Maurice, également pilote et constructeur d’avions. En 1914, la Société Henri et Maurice Farman dispose à Billancourt d’ateliers qui emploient plus de 600 ouvriers et produisent de nombreux avions dont plusieurs modèles sont en service dans l’aéronautique militaire. Au cours de la Grande guerre, les frères Farman fournissent essentiellement des avions d’observation et, à la fin du conflit, un modèle de bombardier bimoteur, le Farman F-50, qui figure parmi les plus puissants avions de bombardement français. Après la guerre, à partir de ce dernier modèle, ils développent un avion de transport de passagers, le Farman F-60 Goliath qui effectue, le 19 janvier 1919, le premier vol commercial international en reliant Paris à Londres.

La Société générale des transports aériens (SGTA)

Les lignes aériennes Farman se développent au tout début des années 1920 et relient Paris aux grandes capitales européennes : Londres, Bruxelles, Amsterdam, Berlin, Copenhague… En 1924, les trois frères Farman créent la Société générale des transports aériens (SGTA) qui reprend le service des lignes Farman et noue des alliances avec les grandes compagnies européennes civiles notamment la Lufthansa en Allemagne et Sabena en Belgique. Henri Farman ouvre, en 1926, à Toussus-le-Noble, avec Lucien Rougerie, une école de pilotage sans visibilité pour former les personnels navigants des lignes Farman. Mais les frères Farman restent avant tout des constructeurs d’avions et poursuivent le développement d’avions nouveaux comme le monomoteur F-170 Jabiru qui sert sur la ligne Paris-Cologne-Berlin à partir de 1926. En 1933, la SGTA fait partie des quatre compagnies aériennes qui fusionnent pour former Air France.

Les frères Farman poursuivent la construction d’avions avec notamment le Farman F-220 dont certaines versions servent au transport des passagers d’Air France tandis que d’autres servent comme avions de bombardement dans l’armée de l’air. En 1936, les usines Farman sont nationalisées par le Front populaire et regroupées avec d’autres entreprises aéronautiques au sein de la société nationale de construction aéronautiques du Centre (SNAC).

Figurant parmi les premiers pionniers de l’aéronautique au monde avec les frères Voisin, Blériot, Ferber, Orville et Wilbur Wright, Henri Farman apparaît non seulement comme un brillant pilote, mais aussi comme un inventeur doué qui a apporté des perfectionnements techniques à ses appareils et un entrepreneur qui a contribué de façon décisive au développement de l’aéronautique civile et militaire. Il s’éteint à Paris le 17 juillet 1958. Le mathématicien, ancien président du conseil et ministre de l’Air, Paul Painlevé avait dit d’Henri Farman après son exploit de 1908 : « Premier entre tous les hommes, il a volé devant les hommes en comprenant ce qui lui permettait de voler ».

À lire :

Jean LIRON, Les Avions Farman, Docavia, n° 21, Larivière, 1984

Claude ROUSSEL, Laurent FRIRY, Sébastien FAURÈS FUSTEL DE COULANGES, Farman. De l’aviation à l’automobile, ETAI, 2015

Jacques SAHEL, Henry Farman et l’aviation, Paris, Grasset, 1936

« Les lignes Farman », Icare, n° 82, automne 1977

Crédits images :

Bannière de la page d’accueil : André Devambez, Les avions fantaisistes, entre 1911 et 1914 © Wikimedia Commons

Illustration du chapô : Henri Farman, 1907, photographie de presse, Agence Rol © Gallica/BnF

Bannière de l’article : Henri Farman, Gand, 30 mai 1908, photographie de presse, Agence Rol © Gallica/BnF

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