Naissance de Daniel Sorano

RETOUR AU DOSSIER

Par Melly Puaux, confondatrice de la maison Jean Vilar


Daniel Sorano est né à Toulouse dans une famille d’ascendances plurielles : française, sénégalaise et piémontaise. Après quelques années d’enfance passées à Dakar où son père, greffier en chef du Palais de Justice, dirigeait la chorale de la cathédrale, il revient à Toulouse pour ses études et intégrer le conservatoire en classe de chant et d’art dramatique. C’est là qu’il rencontre sa future femme, Suzanne, artiste lyrique, qui lui donnera trois enfants : Didier, Véronique et Agnès. Dans les années d’après-guerre, les premières troupes de la décentralisation théâtrale, encouragées par Jeanne Laurent, se forment en province. Au Grenier de Toulouse, animé par Maurice Sarrazin, le talent de Daniel Sorano éclate aussitôt dans Les Fourberies de Scapin, notamment. Une tournée à Paris leur offre un accueil vibrant. En 1952, il rejoint à Avignon une autre jeune et vive compagnie promise à un grand avenir : le T.N.P. de Jean Vilar. Il y passera huit ans et côtoiera de brillants camarades : Gérard Philippe, Georges Wilson, Philippe Noiret etc. Petits ou grands rôles, il les marquera tous de sa présence lumineuse. Inoubliable dans le concierge de Macbeth, comme dans Sganarelle aux côtés de Jean Vilar-Don Juan, dans Don César de Bazan de Ruy Blas, comme dans le Figaro de Beaumarchais, ou Argan, le Malade imaginaire. Un concentré d’énergie et de verve, une force de vie et une générosité peu communes. Il enchaîne enregistrements radio, rôles à la télévision et au cinéma, sans jamais oublier le théâtre. Du sourire ensoleillé des valets de comédie comme Mascarille ou Arlequin, il saura passer à une profondeur et une densité saisissante dans les rôles tragiques : Shylock du Marchand de Venise chez Jean-Louis Barrault, à Macbeth et Othello pour la télévision sous la direction de son ami Claude Barma. Et que dire d’un incomparable, inégalable, Cyrano de Bergerac, en 1960 aussi pour la télévision.

Cette plasticité du visage et du corps devait lui venir de son ascendance sénégalaise. Comme l’a écrit le poète-président Senghor : « Le génie de Daniel Sorano est né d’une symbiose, biologique et culturelle, eurafricaine, plus exactement franco-sénégalaise : son corps long et souple, ses « mains acrobates » et comme ductiles, mais aussi sa voix cuivrée de basse. Mais encore ses dons naturels de comédien que sa « conscience » lui a fait découvrir et travailler : la sensibilité, la sincérité et la chaleur humaine… J’allais oublier le don du rythme : d’un rythme fait de répétitions qui ne se répètent pas et qui est la principale vertu de la Négritude. » Daniel meurt en 1962 d’une crise cardiaque alors qu’il tournait un film aux Pays-Bas. Jean Vilar lui rend un hommage ému en mai 1962 : « Un comédien merveilleux. Apte à la grande comédie et au drame aussi bien. Cœur sensible, extrêmement sensible, oui, travailleur infatigable et comme amoureux du labeur, homme généreux, heureux d’être aimé, ami de l’amitié. […] Cet homme mort jeune, trop jeune, mon dieu ! Était la vie forte et allègre. Ses personnages en étaient comme soulevés. Cet homme subitement terrassé dans une chambre d’hôtel, jamais nous ne l’avons vu face au public jouer las, fatigué, triste. Comment ne pas aimer, estimer un tel partenaire? Cher Daniel. »

 

Crédits photos

Illustration de la plage d’accueil : Portrait de Daniel Sorano, Christian Jam,  fond personnel de la famille © Commons Wikimedia. 

Illustration du chapô : Théâtre Bolstoi de Moscou 2005  © Commons Wikimedia. 

Illustration de l’article : Théâtre Daniel Sorano, l’acteur Maurice Sarrazin jouant Cyrano © Commons Wikimedia. 

Illustration de bas de page : Daniel Sorano, Studio photo Harcourt © Commons Wikimedia. 

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut