Mort du roi Philippe Auguste

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Par Dominique Barthélemy, historien, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres


Mort le 14 juillet 1223, Philippe II Auguste aura régné 43 ans et assuré au domaine royal comme à l’autorité monarchique dans le royaume un accroissement considérable, sans précédent. Avec lui, la dynastie capétienne est passée d’une simple préséance sur les princes régionaux, ducs et comtes, à une véritable hégémonie.

L’hégémonie capétienne

Jusqu’à son avènement, en 1180, et au début de son règne, sa préséance ne le protégeait pas assez contre une possible montée en puissance de l’un d’eux : ainsi le comte d’Anjou et duc de Normandie de la famille des Plantagenets, devenu roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, représentait-il une menace potentielle. La grande réalisation de Philippe Auguste aura été, précisément, de l’affaiblir beaucoup. Après avoir peiné à contenir Richard Cœur de Lion (mort en 1199), il a profité des faiblesses de son frère et successeur Jean Sans Terre pour confisquer ses fiefs normand et angevin en 1204 et 1205, mordant même sur le Nord de l’Aquitaine. Ce grand succès a été facilité par l’absence de comte adulte en Flandre et en Champagne ; Philippe Auguste n’a donc pas été freiné ou mis en cause dans l’immédiat, il n’a donc pas eu à rendre ou réinféoder ses conquêtes domaniales. Sa poussée a été très forte durant quelques années, le portant jusqu’à un contrôle provisoire de la Bretagne et une pénétration en Auvergne.

La résistance flamande

Philippe Auguste lorgnait aussi, pour ne pas dire surtout, depuis le début de son règne sur la Flandre. Du fait de sa première épouse, Isabelle de Hainaut, il a pensé pouvoir l’acquérir en tout ou en partie, pour lui ou son fils, à la mort du comte Philippe (1191), après quoi il a tenté d’en prendre un vrai contrôle en protégeant l’héritière du comte Baudouin IX, disparu en 1205. Il a mis la main sur le Vermandois et l’Artois, mais la Flandre, riche et ombrageuse, dans l’ensemble se refusait à lui. Il y est entré en armes à plusieurs reprises, sans pouvoir y enraciner sa domination : ainsi en 1213, après avoir cru pouvoir prendre l’Angleterre sur ordre du pape Innocent III, l’arrivée d’un contrordre et la destruction de sa flotte l’ont-elles redirigé sur la Flandre. Il n’a pu s’y maintenir et l’année suivante, en 1214, il faisait face à une coalition montée par Jean Sans Terre qui le menaçait depuis l’Aquitaine et qui finançait contre lui la Flandre et plusieurs autres adversaires sur sa frontière du Nord. Cependant les guerres du temps, d’esprit tout féodal, ne ressemblaient pas aux guerres modernes menées de manière intense et radicale, avec des batailles décisives. Il s’agissait plutôt de confrontations limitées, de raids et contre-raids, avec esquive de la bataille.

La bataille de Bouvines

Sur la Loire où son fils Louis est à la tête d’une armée, c’est à la suite d’une escarmouche (à la Roche au moine) que Jean Sans Terre recule, sans grande perte. Aux lisières de la Flandre, Philippe Auguste ne pensait pas non plus affronter la coalition, dont les membres étaient en fait d’une inégale détermination, mais une attaque sur son arrière-garde, à Bouvines le 27 juillet 1214, se tourne en un combat plus étendu (mais non en bataille générale et organisée à la manière moderne) et les principaux adversaires du roi de France s’enfuient, tel l’empereur Otton IV, ou sont faits prisonniers, tel le comte Ferran de Flandre. Cela permet à Philippe Auguste de consolider ses conquêtes domaniales et de célébrer une victoire donnée par Dieu et par la vaillance française, destinée à tenir une grande place dans notre récit national, du XVIIe au XXe siècle.

Saint Louis, second successeur de Philippe Auguste

Revenu à Paris, Philippe Auguste n’a pas continué à guerroyer, confiant à son fils Louis la tache de mener des expéditions, l’une en Angleterre (un moment réussie, finalement repoussée), l’autre dans le Midi en participant à la croisade albigeoise de Simon de Montfort. À sa mort en 1223, la royauté capétienne a beaucoup progressé : à son expansion domaniale, il faut ajouter une autorité accrue sur les grands feudataires du royaume, qui ont relevé de plus en plus de la cour royale de justice. L’organisation des finances et de l’armée royales a progressé. Les baillis on fait leur apparition pour l’administration du domaine royal.

Testament de Philippe Auguste donné à Saint-Germain-en-Laye (septembre 1222) © Archives nationales | WikiCommons

Pour autant, l’hégémonie capétienne sur le royaume de France n’est pas tout à fait complète ni tout à fait à l’abri des difficultés. Les grands barons restent puissants et susceptibles de faire corps. Après le court règne de Louis VIII (1223-1226) marqué par de nouvelles avancées, le règne de Louis IX, encore adolescent, commence par des difficultés avec plusieurs grands barons, que sa mère Blanche de Castille surmonte avec l’appui de l’Église. Après quoi Louis IX devient Saint Louis, portant le prestige moral de la dynastie capétienne à son zénith ; il obtient au prix de quelques concessions, en 1259, l’acceptation des confiscations de Philippe Auguste sur Jean Sans Terre par le roi d’Angleterre Henri III, fils de celui-ci, qui garde une partie de l’Aquitaine en échange d’un hommage. La sainteté de Louis IX fait oublier ce qu’il y avait eu d’un peu transgressif chez son grand-père.

Philippe Auguste a d’ailleurs connu ce futur saint. Il a été le premier capétien à voir son petit-fils et second successeur, qui était âgé de neuf ans en 1223. Il a pu lui faire quelques recommandations utiles, notamment celle de ne pas se laisser trop influencer par ses conseillers, de ne jamais tomber sous la coupe de l’un d’entre eux.

 

Hommage du comte de Flandre au roi Philippe Auguste (1196) © Archives nationales | WikiCommons

 

À lire :

John Baldwin, Philippe Auguste, Paris, 1991

Dominique Barthélemy, La bataille de Bouvines. Histoire et légende, Paris, 2018

 

 

 

 

 

Crédits photos : 

Illustration du dossier : Couronnement de Philippe Auguste (dans les Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460, Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 6465, fol. 212v. (Premier Livre de Philippe Auguste)) © BnF | Gallica  

Illustration du chapô : Sceau de Philippe Auguste (1180) © Archives Nationales | WikiCommons 

Illustration de l’article : Philippe II dit Philippe-Auguste, Roi de France (1165-1223), Louis-Félix Amiel (1837) © Château de Versailles | WikiCommons 

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