Le tour du monde de Loti, 7e escale : Pêcheur d’Islande

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Le choix de Nelly Souquet, secrétaire générale de l'APLP à Paimpol


Ce texte décrit l’angoisse des femmes de pêcheurs quand la goélette tardait à rentrer.

Des pas dans le sentier ! – Quelqu’un venait ? – Alors elle se leva, bien droite ; d’un tour de main, rajusta sa coiffe, se composa une figure. Les pas se rapprochaient, on allait entrer. Vite elle prit un air d’être là par hasard, ne voulant pas encore, pour rien au monde, ressembler à une femme de naufragé.

Justement c’était Fante Floury, la femme du second de la Léopoldine. Elle comprit tout de suite, celle-ci, ce que Gaud faisait là ; inutile de feindre avec elle. Et d’abord elles restèrent muettes l’une devant l’autre, les deux femmes, épouvantées d’avantage et s’en voulant de s’être rencontrées dans un même sentiment de terreur, presque haineuses.

Tous ceux de Tréguier et de Saint-Brieuc sont rentrés depuis huit jours, dit enfin Fante, impitoyable, d’une voix sourde et comme irritée.

Elle apportait un cierge pour faire un vœu.

Ah ! oui… un vœu… Gaud n’avait pas encore voulu y songer, à ce moyen des désolés. Mais elle entra dans la chapelle derrière Fante, sans rien dire, et elles s’agenouillèrent près l’une de l’autre comme deux sœurs.

À la vierge Étoile-de-la-Mer, elles dirent des prières ardentes, avec toute leur âme. Et puis bientôt on n’entendit plus qu’un bruit de sanglots, et leurs larmes pressées commencèrent à tomber par terre…

Elles se relevèrent plus douces, plus confiantes. Fante aida Gaud qui chancelait et, la prenant dans ses bras, l’embrassa.

Ayant essuyé leurs larmes, arrangé leurs cheveux, épousseté le salpêtre et la poussière des dalles sur leur jupon à l’endroit des genoux, elles s’en allèrent sans plus rien se dire, par des chemins différents. 

Pierre Loti, Pêcheur d’Islande, 1886, Cinquième partie, VII 

Un grand merci à Marie-Ange Gerbal et aux membres de l’Association Internationale des Amis de Pierre Loti pour ce voyage en 10 escales, qui aurait pu nous mener encore bien plus loin !

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Crédits photos : 

Illustration de la page : Paul Gauguin, Le calvaire breton, 1898-99 © The MET Museum

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