Le château de By, fief d’une icône du féminisme

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Article de Sandra Buratti-Hasan, conservatrice du patrimoine, directrice adjointe du musée des Beaux-Arts de Bordeaux


Grâce à son succès financier, Rosa Bonheur fait en 1859 l’acquisition du château de By, à Thomery, le « Domaine de la parfaite amitié ». Elle s’y installe avec Nathalie Micas, son amie depuis l’adolescence, et la mère de celle-ci. Forte de son indépendance financière et morale, Rosa Bonheur instaure ici un véritable matrimoine, où les femmes s’allient pour asseoir leur liberté. Pour sa réussite, son courage et son audace, Rosa Bonheur est rapidement perçue comme un modèle et une icône du féminisme. En 1865 elle est la première femme artiste à recevoir la légion d’honneur, remise en son atelier par l’impératrice Eugénie.

By devient le refuge de Rosa Bonheur. Elle peut échapper aux mondanités auxquelles son succès la contraint à Paris, même si elle continue d’accueillir de nombreux amis, écrivains et musiciens. Elle dispose de la place nécessaire pour choyer ses modèles, qui deviennent de plus en plus nombreux et divers : « à certains moments, c’est une véritable arche de Noé que j’ai eue là. On y a vu des mouflons, des cerfs, des biches, des isards, des sangliers, des moutons, des chevaux, des bœufs et même des lions. » Rosa Bonheur travaille inlassablement, avec l’aide de Nathalie Micas qui prépare les toiles, reporte les calques. Elle produit de nombreuses études sur le motif qui constituent un répertoire d’une richesse inouïe dans lequel elle puise jusqu’à la fin de sa vie. Elle utilise également la photographie, dessine et peint à l’aquarelle sur certains tirages. Elle n’hésite pas à explorer des techniques auxquelles on ne l’associe guère, tel que le cyanotype, comme on en a découvert récemment dans les greniers du château.

En 1889, Nathalie Micas s’éteint, laissant Rosa Bonheur désespérée et incapable de peindre. Après plusieurs mois de torpeur elle trouve néanmoins un nouvel élan dans la fougue des acteurs du Wild West Show qui attire les foules à Paris. Elle fait la connaissance de Buffalo Bill, dont elle réalise le portrait, qui l’autorise à séjourner au camp. Elle peut y croquer les bisons et les acteurs amérindiens qui la fascinent.

Rosa Bonheur passe les dernières années de sa vie avec une portraitiste américaine, Anna Klumpke, qui s’installe à ses côtés à By. Rosa Bonheur apprécie son éducation féministe et s’adresse à elle en ces termes : « … j’admire les idées américaines en ce qui concerne l’éducation des femmes. Car vous n’avez pas, comme chez nous, le sot préjugé que les jeunes filles sont exclusivement destinées au mariage. » Rosa Bonheur propose à Anna Klumpke de recueillir ses souvenirs et d’écrire sa biographie selon ses directives. À la mort de l’animalière en 1899, Anna Klumpke devient sa légataire universelle et hérite du château et de toutes les œuvres qui y étaient conservées, au grand dam de la famille de l’artiste. Elle organise la vente de l’atelier et fait don d’œuvres importantes aux musées nationaux. Elle perpétue la mémoire de Rosa Bonheur et contribue à ce que le château de By, que l’on peut de nouveau visiter aujourd’hui, reste le « sanctuaire » que chérissait Rosa Bonheur.

 

Crédits photos :

Illustration de l’article : Sa Majesté l’Impératrice rendant visite à Mlle Rosa Bonheur dans son atelier de Thomery , Le Monde illustré , 25 juin 1864 © Gallica

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