Lancement du programme Ariane

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Par Nathalie Tinjod, chef du Projet Histoire, Département des affaires européennes et extérieures, Agence spatiale européenne


Le 5 juillet 2023, le 261e lancement d’une fusée Ariane toutes versions confondues depuis le vol inaugural d’Ariane 1, le 25 décembre 1979, consacrant l’accès autonome de l’Europe à l’espace, était aussi le dernier vol d’Ariane 5. Il coïncide avec le 50e anniversaire de l’accord intervenu le 31 juillet 1973 au sein de la Conférence spatiale européenne (CSE), réunissant les ministres des Etats membres de l’ELDO (European Launcher Development Organisation) et de l’ESRO (European Space Research Organisation) créées en 1962, ainsi que les représentants de la CETS, qui élaborait les programmes de satellites de communications.

L’accord historique du 31 juillet 1973

Aux termes de cet accord global, ouvrant la voie à la création d’une agence spatiale européenne unique en 1975 (ESA), la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni s’engageaient à assumer respectivement la responsabilité majeure du financement des programmes optionnels Ariane, Spacelab (vols habités) et Marots (télécoms), consacrant une répartition qui perdurera jusqu’à sa remise en cause à la fin des années 2000. Européaniser le programme de lanceur de substitution de troisième génération (LIIIS, bientôt rebaptisé Ariane) permettait à la France d’élargir la communauté des utilisateurs potentiels et de partager les coûts de développement et d’exploitation, inclus des installations sol. Les échecs répétés d’Europa, comprenant trois étages (britannique : Blue Streak, français : Coralie, et allemand : Astris), testés entre 1964 et 1971 (F1 à F11), appelaient à une refonte majeure impliquant une gestion plus intégrée du programme. La troisième réunion de la CSE, tenue à Bad Godesberg en novembre 1968, avait établi avec la clause des 125% une préférence européenne pour les lanceurs, tant que le prix restait contenu dans cette limite.

L’exceptionnelle fiabilité du lanceur Ariane

Le 26 novembre 2019 avait marqué, avec le 250e vol d’Ariane, les 40 ans d’exploitation du lanceur qui aura connu 13 échecs dont 4 partiels sur un total de 261 vols. Après 14 vols consécutifs réussis, entre 2012 et 2019, le petit lanceur européen Vega, sous l’égide d’Avio, connaîtra lui 3 échecs lors des 15ème, 17ème, et 22ème tirs en 2019, 2020 et 2022 respectivement. L’échec du premier vol commercial Vega-C a malheureusement coïncidé avec le retrait d’Ariane 5, les retards d’Ariane 6, et l’arrêt des vols Soyouz depuis le CSG, faisant suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Temporairement sans lanceur disponible, l’Europe se trouve contrainte de faire appel à son principal concurrent (Falcon 9, SpaceX) pour mettre en orbite ses missions institutionnelles, et la France de différer le lancement de ses satellites militaires.

L’avenir d’Ariane et du port spatial de Kourou

Pour la plupart des Etats membres le seul modèle commercial viable est celui dans lequel les gouvernements s’engagent en faveur d’un service de lancement européen pour des raisons stratégiques, comptant sur le marché commercial pour contenir les coûts et optimiser son utilisation. La quête d’autonomie – y compris dans le domaine des vols habités – ne peut néanmoins garantir le soutien continu des États que si l’industrie offre des produits fiables, réduit les coûts et rationalise les emplois et les capacités techniques. Cela nécessite en retour un volume de commandes suffisamment élevé.

Pour permettre les lancements de plusieurs satellites, ceux-ci sont disposés sous la coiffe dans un module SPELTRA (Structure Porteuse Externe pour Lancements Multiples) ou SYLDA (SYstème de Lancement Double Ariane).

Face à la montée en puissance croissante de la concurrence, l’ESA a déjà lancé le développement d’Ariane Next, qui pourrait mettre en œuvre un premier étage réutilisable. Plusieurs prototypes d’étage réutilisable (Callisto, Themis), ainsi qu’un nouveau moteur (Prometheus) de la classe du Vulcain et brûlant un mélange d’oxygène liquide et de méthane liquide sont en cours de développement.

Les projecteurs se braqueront donc désormais vers le nouvel ensemble de lancement ELA-4, réalisé par le groupe Eiffage pour Ariane 6, tandis que la transformation du pas de tir historique de Kourou, l’ensemble de lancement Diamant (ELD), a démarré. Le CNES souhaite en faire un port spatial ouvert à plusieurs mini et micro-lanceurs : un bel exemple de reconversion du patrimoine spatial. On dénombre plus de 200 entreprises dans le monde qui souhaitent développer de tels engins, pour répondre aux besoins des méga-constellations ; une première sélection a déjà eu lieu Le CNES prévoit également d’y tester son démonstrateur de premier étage réutilisable Callisto.

À lire :

Nathalie Tinjod, Celebrating half a century in space, Paris, Beauchesne, coll. “ Le miroir des savants”, 2015

France Durand-De Jongh, De la fusée Véronique au lanceur Ariane une histoire d’hommes 1945-1979, Paris, Stock, 1998, 283 pages.

Philippe Varnoteaux, L’aventure spatiale française de 1945 à la naissance d’Ariane, Paris, Éditions du Nouveau Monde, 2015, 429 pages.

A History of the European Space Agency 1958 – 1987, Volume I, The story of ESRO and ELDO, 1958 – 1973, by J. Krige and A. Russo with contributions by M. De Maria and L. Sebesta, ESA SP-1235, 2000, 462 pages. https://www.esa.int/esapub/sp/sp1235/sp1235v1web.pdf

A History of the European Space Agency 1958 – 1987, Volume II, The story of ESA, 1973 to 1987, by J. Krige, A. Russo and L. Sebesta, ESA SP-1235, 2000, 703 pages. www.esa.int/esapub/sp/sp1235/sp1235v2web.pdf

« Révolution spatiale », Rapport du Groupe consultatif de haut niveau sur la place de l’Europe dans l’exploration humaine et robotique de l’espace. https://esamultimedia.esa.int/docs/corporate/h-lag_brochure_fre.pdf

Crédits photos :

Illustration de la page d’accueil : Web liftoff on Ariane 5 pillars © ESA-CNES-Arianespace/Optique Vidéo du CSG-JM. Guillon

Illustration du chapô : Spectacular view of Ariane from top of launch platform 1979 pillars © European Space Agency – ESA

Illustration de la bannière de l’article : Ingénieurs devant les moteurs Vikings d’Ariane 4 © Espace Patrimoine Safran

Illustration de l’article : Premier lancement d’Ariane en 1979 © Alain Nogues – Sygma

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