La Société asiatique et la naissance de l’assyrologie (1822-1914)

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Article de Dominique Charpin, professeur au Collège de France


 

L’assyriologie est une spécialité qui est née dans le courant du XIXe siècle : elle s’applique à l’étude des textes écrits en signes cunéiformes dans diverses langues.

En 1802, l’Allemand Grotefend avait réussi à identifier dans les inscriptions de Persépolis rédigées en vieux-perse les noms de Darius et de Xerxès Dès la fondation de la Société asiatique en 1822, certains de ses membres furent impliqués dans la poursuite du déchiffrement du cunéiforme persépolitain : Antoine de Saint-Martin, Eugène Burnouf, Félicien de Saulcy et Jules Oppert.

1842 marque une date cruciale. À l’instigation de Jules Mohl, alors secrétaire de la Société asiatique, Paul-Emile Botta, consul de France à Mossoul, entreprit des fouilles sur le site de Ninive, sur la rive opposée du Tigre. Il se rendit au printemps 1843 sur le site de Khorsabad, distant de quinze kilomètres, dont les habitants lui avaient signalé l’intérêt : il y découvrit le palais du roi assyrien Sargon, avec de magnifiques bas-reliefs qui font aujourd’hui la fierté du Louvre. Les lettres que Botta écrivit régulièrement à Mohl furent publiées dans le Journal asiatique. Alors même que l’écriture cunéiforme « assyrienne » n’était pas encore déchiffrée, Botta se rendit compte que beaucoup d’inscriptions étaient des duplicats et, en raison de l’existence de variantes, méritaient d’être toutes recopiées. La Société asiatique conserve les dessins originaux de Botta, à partir desquels l’Imprimerie impériale réalisa les planches du tome III des Monuments de Ninive (1849).

Les inscriptions en cunéiformes assyriens se révélèrent beaucoup plus complexes à déchiffrer que celles en cunéiformes persépolitains : le nombre des signes était beaucoup plus important, leurs fonctions variées. La Société asiatique fut l’un des lieux privilégié de ces recherches. En 1857, Oppert publia dans le Journal asiatique le premier article d’une série intitulée Études assyriennes. Il y fit œuvre de pionnier en éditant un texte « assyrien » (nous dirions aujourd’hui babylonien) sans l’aide d’une bilingue : une inscription de Nabuchodonosor, d’autant plus importante qu’elle avait trait à la ziggourat de Borsippa, alors identifiée à la Tour de Babel de la Bible. Oppert s’attela ensuite à la présentation d’ensemble de la « Grammaire assyrienne », qui parut en 1860 en deux livraisons du Journal asiatique, travail qui fut couronné par le Grand Prix Biennal de l’Institut en 1863.

Les dernières décennies du XIXe siècle furent marquées par des débats passionnés autour de la langue sumérienne. La Société asiatique et son Journal tinrent une place très importante dans ces discussions, qui virent notamment l’affontement d’Oppert et de Joseph Halévy, ce dernier niant l’existence du sumérien en tant que langue, n’y voyant qu’une notation cryptée de l’assyrien. La révélation de la civilisation sumérienne du troisième millénaire grâce aux fouilles d’E. de Sarzec à Tello à partir de 1877 confirma la point de vue d’Oppert ; ses travaux furent prolongés par ceux de François Thureau-Dangin, qui avait publié à vingt-trois ans son premier article dans le Journal asiatique en 1895.

 

 

 

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