Julie-Victoire Daubié, la première femme ”Bachelier”
RETOUR AU DOSSIERPar Véronique André-Durupt, biographe de Julie-Victoire Daubié
Julie-Victoire Daubié est née le 26 mars 1824 à la Manufacture Royale de fer-blanc de Bains où son père est directeur. En 2017, sa maison natale a été labellisée ”Maison des Illustres”. À la mort de son père, la petite fille n’a pas vingt mois ; la famille rejoint les terres ancestrales de Fontenoy-le-Château dans les Vosges.
Apprendre et enseigner
Victoire grandit au centre du bourg. Elle fréquente l’école de filles et a aussi la chance d’assister aux cours particuliers donnés à ses frères. Cette initiation au latin lui sera bien utile plus tard, pour les épreuves du baccalauréat. Guidée par son frère Florentin, prêtre et bon pédagogue, elle poursuit ses études et obtient en 1844 le Certificat de capacité, le seul diplôme d’État ouvert aux femmes, nécessaire pour enseigner. Elle est ensuite préceptrice à Docelles puis à Fribourg où elle apprendra la langue allemande.
En 1853, Julie-Victoire Daubié est engagée à Paris. Elle fait travailler le programme des lycées aux enfants du gouverneur de la Banque de France ; parallèlement, elle suit les cours de botanique du Museum d’histoire naturelle.
En 1858, l’Académie de Lyon met au concours la question suivante :
Étudier, rechercher, surtout au point de vue moral et indiquer aux gouvernants, aux administrateurs, aux chefs de l’industrie et aux particuliers, quels seraient les meilleurs moyens, les mesures les plus pratiques : 1) Pour élever le salaire des femmes à l’égal de celui des hommes… 2) Pour ouvrir aux femmes de nouvelles carrières… Victoire rédige un manuscrit qui sera couronné par le jury et primé au concours de Lyon ; il deviendra, augmenté et réactualisé, le livre qui fera sa renommée : La Femme pauvre au XIXe siècle.
« Bachelier » à Lyon
Grâce au concours de Lyon, Victoire tisse dans cette université moderne de nombreuses relations. Elle s’y inscrit en toute discrétion et se présente aux épreuves du bac en août 1861. Elle est reçue avec la mention passable. Brillante en lettres et en langues anciennes, elle réussit moins bien l’épreuve de sciences. Ce premier bac féminin est salué par la presse régionale et nationale. La première marche de l’université est franchie.
Pour la citer : « En France (j’aime à le dire pour l’honneur de mon pays) l’initiative sociale nous manque ici beaucoup plus que la liberté, car j’ai pu être admise, l’année dernière, à l’examen du baccalauréat, par la Faculté des lettres de Lyon, sans faire de demande exceptionnelle. J’ai rencontré partout, pour cette innovation, une bienveillance impartiale et des sympathies généreuses, dont je ne saurais trop remercier ma patrie et mon siècle. »
Victoire conférencière et chroniqueuse
Son baccalauréat lui confère une certaine notoriété en France comme à l’étranger. Les journaux lui ouvrent leurs colonnes ; elle donne des conférences dans des lieux prestigieux, suivies par des personnages importants, on publie ses travaux : Du progrès dans l’enseignement primaire, justice et liberté et La femme pauvre au XIXe ; ce dernier ouvrage sera traduit en anglais par la féministe britannique Joséphine Butler . Victoire et son travail pour la cause des femmes seront récompensés lors de l’Exposition Universelle de 1867 ; elle y reçoit une médaille pour l’ensemble de son œuvre.
En 1869, elle participe à la création de la revue Le droit des femmes. Elle fait de leur droit de vote une priorité et entame une campagne pour l’inscription des femmes payant l’impôt sur les listes électorales. La Guerre de 1870 interrompra son action. Pendant le siège de Paris, Jules Ferry, maire de la capitale, qui revendiquait l’égalité d’éducation pour les deux sexes, invite Victoire à participer à la Commission mixte de l’enseignement.
Au sortir de la guerre, Victoire reprend son combat pour les femmes, fonde L’association pour l’émancipation de la femme et publie L’émancipation de la femme en dix livraisons. Elle profite du changement de gouvernement pour s’inscrire aux épreuves de licence ès Lettres au sein de l’antique Sorbonne, bien que les femmes ne soient pas autorisées à assister aux cours. Elle est reçue licenciée le 28 octobre 1871, avec les félicitations du ministre.
Sa santé défaillante ne supportant plus l’air de Paris, elle se retire à Fontenoy où elle rédige sa thèse de doctorat : La condition de la femme dans la société romaine. Elle meurt à sa table de travail le 26 août 1874.
Sa tombe est toujours visible au cimetière de Fontenoy.
À lire :
Raymonde-Albertine Bulger Lettres à Julie victoire Daubié (1824-1874): La première bachelière de France et son temps, ed. Peter Lang Publishing Inc, 1992.
Geneviève Fraisse, Julie-Victoire Daubié (1824-1874). Intellectuelle pionnière, Féminisme et philosophie, 2020, pp. 277-281
Véronique André-Durupt, La première ‘’bachelier’’’ : Julie-Victoire Daubié, ed. Amis du Vieux Fontenoy, 2018
Crédits photos :
Illustration de la page d’accueil : « À l’Hôtel de ville. Les examens de jeunes filles. » Image à la une du supplément illustré du Petit Journal n°245 du 28 juillet 1895 © Gallica/BnF
Illustration du chapô : Portrait de Julie-Victoire Daubié, première bachelière de France, par Emile Mansuy. Image extraite de Fontenoy-le-Château pendant la Révolution, d’Olivier Constant © limedia galeries/BMI d’Épinal
Illustration de la page article :
Bannière : La maison d’enfance de Julie-Victoire Daubié à Fontenoy, à côté de l’Hôtel de la Poste – Tous droits réservés
Bas de page : Diplôme du Baccalauréat de Julie-Victoire Daubié © Bibliothèque M. Durand