Insurrection à Paris : début de la Commune

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Par Jean-Louis Robert, professeur émérite de l’Université Paris-I, auteur du Paris de la Commune – 1871 (2015)


Parmi les causes qui ont abouti au soulèvement populaire du 18 mars, certaines sont de longue durée et sont liées aux mutations sociales que la France connaît sous le Second Empire. L’essor industriel a développé un prolétariat ouvrier dont les conditions de vie restent très dures et précaires. Si le droit de grève est accordé par Napoléon III en 1864, le syndicalisme reste interdit et le droit du travail quasiment inexistant. Maladie, accident du travail et vieillesse signifient misère, comme le montrera Zola dans Germinal ou L’Assommoir.

Une crise multiforme et complexe

Par ailleurs, les transformations de Paris, initiées par le préfet Haussmann, ont conduit à une spéculation foncière. C’est le début de l’émigration des classes populaires vers les périphéries qui sont absorbées par la capitale en 1860. Enfin un mécontentement est latent chez les Parisiens, qui ne disposent pas d’une municipalité et d’un maire élu et sont sous le contrôle du Préfet de police, alors même qu’ils sont massivement républicains.

Il y a des causes plus immédiates. Le 4 septembre, après le désastre de Sedan, l’Empire tombe et une République provisoire est proclamée. Un gouvernement de défense nationale s’installe en province alors que les Parisiens vont subir un terrible siège par l’armée allemande pendant quatre mois. Beaucoup sont mécontents contre ce gouvernement qu’ils considèrent comme trop peu actif et qui est réticent à utiliser la garde nationale de Paris (le peuple armé). La nouvelle de l’armistice le 28 janvier et la signature des préliminaires de paix cédant l’Alsace-Moselle à l’Allemagne le 26 février irritent les Parisiens qui sont très patriotes. Par ailleurs l’Assemblée nationale élue le 8 février est largement monarchiste alors que les députés parisiens sont républicains. Le conflit est en place.

Le gouvernement de Thiers, à qui l’Assemblée nationale a confié le pouvoir exécutif, va prendre des décisions qui vont accentuer le mécontentement des Parisiens : abrogation du moratoire des loyers, suppression de la solde des gardes nationaux, retour au fonctionnement du Mont-de-Piété, interdiction de journaux socialistes. La garde nationale s’organise alors dans une fédération dirigée par un comité central.

Quand les Parisiens prennent les armes

Le 18 mars, Thiers envoie les troupes reprendre les canons de la Garde nationale entreposés à Montmartre. La réaction populaire empêche l’enlèvement et la troupe refuse de tirer sur le peuple. C’est l’insurrection, spontanée. Deux généraux sont fusillés. Paris se couvre de barricades et le comité central étend l’insurrection. Le soir il occupe l’Hôtel de Ville et annonce « Place à la Commune ! »

Le comité central de la Garde nationale prend la direction de Paris, alors que Thiers et le gouvernement se sont repliés sur Versailles où siège l’Assemblée. Le comité central va prendre des mesures qui vont lui assurer un soutien social assez large : il rétablit le moratoire sur les loyers et les effets de commerce ou suspend les ventes des objets gagés au Mont-de-Piété. Par ailleurs, il assure l’autorité de la révolution, faisant occuper les forts, les ministères et réprimant sévèrement une manifestation des partisans de « l’Ordre » le 22 mars. Souhaitant donner une légitimité à la révolution et ne voulant pas l’étendre par la force hors de Paris, il organise des élections libres à Paris le 26 mars. Une moitié des électeurs inscrits votent et les partisans de la Commune l’emportent largement, particulièrement dans les quartiers populaires.

Le 2 avril, des troupes de Versailles attaquent une avant-garde des Fédérés à Levallois. Des prisonniers fédérés sont exécutés. La guerre civile commence. Elle sera terrible. La Commune répond par un décret prévoyant l’arrestation d’otages qui seront fusillés en réponse aux exécutions versaillaises. L’archevêque de Paris est ainsi arrêté. Cependant ce décret n’est pas exécuté jusqu’à la Semaine sanglante. Dans ces conditions, la Commune prend aussi des mesures contre la presse favorable à Versailles et organise la chasse aux réfractaires, gardes nationaux qui refusent de combattre pour la Commune.

Cependant, la guerre entre Paris et Versailles tourne rapidement à l’avantage du second. Paris est isolé, les communes de province sont rapidement vaincues. Les fédérés  ne savent guère combattre contre des troupes de la ligne et ont une artillerie très inférieure dans ce qui est une guerre de siège. Par ailleurs le moral baisse, et de plus en plus nombreux sont les Parisiens qui se réfugient dans un prudent attentisme. Thiers porte les effectifs de son armée à plus de 130000 hommes et, se proclamant désormais républicain, rallie au gouvernement les républicains modérés. Le 8 mai, la chute du fort d’Issy, devenu une ruine sous les bombardements versaillais,  ouvre le chemin de Paris. Dans l’après-midi du 21 mai, les soldats de Versailles rentrent dans Paris par la porte du Point du Jour.

Du 21 au 28 mai, la capitale devient le théâtre de la « Semaine sanglante ». Malgré des combats acharnés, rien ne peut arrêter l’avancée des soldats de Versailles, commandé par le maréchal Mac-Mahon. Les Fédérés, quelques 20000 désormais dont de nombreuses femmes, s’éparpillent devant des barricades dans leurs quartiers, facilitant la tâche de l’armée. Certains chefs communards croient possible de dresser une barrière de feu pour arrêter l’avancée versaillaise. Les Tuileries ou l’Hôtel de Ville sont ainsi incendiés, comme d’autres bâtiments, sans succès. Les bombardements versaillais brûlent aussi des maisons.

L’avancée des soldats de Versailles est marquée par une très violente répression qui commence dans le 16e arrondissement dès le 21 mai et ne cessera de s’étendre. Les exécutions sommaires peuvent avoir lieu dans les rues, dans les maisons, ou après un court jugement, sans avocat, de dizaines de cours martiales installées partout dans Paris. Les historiens divergent sur les chiffres de ces exécutions sommaires : de 5000 pour certains à sensiblement plus de 30000 pour d’autres.

En réponse, ou parfois sous le coup du désespoir ou de la rage, des communards procèdent à des exécutions d’otages. Près de 100 seront exécutés, dont l’archevêque de Paris.

 

À lire :

Marc César et Laure Godineau (dir.), La Commune de Paris – Une relecture, Grane, Créaphis, 2019

Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871, les acteurs, l’événement, les lieux, collection Maitron, Les éditions de l’atelier, 2021

Quentin Deluermoz, Commune(s) 1870-1871 – Une traversée des mondes au XIXe siècle, L’univers historique, Seuil, 2020

Jean-Louis Robert (dir.), Le Paris de la Commune- 1871, Belin, 2015

Jacques Rougerie, La Commune et les communards, Folio Histoire, Gallimard, 2018

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