Fondation du Grand Orient de France

RETOUR AU DOSSIER

Par Pierre Mollier, conservateur du Musée de la franc-maçonnerie


La franc-maçonnerie moderne est le produit de la transformation, au XVIIe siècle en Grande-Bretagne, d’une société de métier en une association de réflexions et d’échanges. En 1717, à Londres, quatre loges se fédèrent et créent la Première Grande Loge, une organisation profondément nouvelle qui prône la tolérance. La franc-maçonnerie s’implante en France dès le milieu des années 1720.

Les premières loges maçonniques en France

À l’origine, les Loges se créent les unes les autres. Celle de Toulouse fonde celle de Carcassonne, qui, à son tour, constitue celle de Narbonne et ainsi de suite… Le plus ancien document maçonnique connu (Les Devoir des Francs-maçons, 1735) nous informe cependant que, dès 1728, Philip de Wharton était reconnu comme le Grand Maître des francs-maçons en France. C’est la première trace de l’existence d’une autorité maçonnique en France. Ce manuscrit de 1735 présente aussi les statuts d’une « Grande Loge ». L’expression « Grande Loge de France » est attestée en 1737.  Mais cette « première Grande Loge de France » n’est constituée que de Parisiens et les Loges de province n’interviennent en rien, ni dans la désignation des Grands Officiers qui la composent, ni dans son fonctionnement. Aussi, en dépit de plusieurs réformes (en 1745, 1755, 1760 et 1763) la première Grande Loge de France échoue à faire admettre son autorité par les Loges du royaume. La seule autorité que celles-ci reconnaissent vraiment est le Grand Maître. C’est lui qui manifeste l’unité de la Maçonnerie française. Mais il est d’autant plus facile de lui multiplier les signes d’allégeance qu’il n’intervient jamais dans la gestion de l’ordre. Le long magistère de Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont – de 1743 à 1771 – n’est qu’un parrainage symbolique et assez lointain, bien dans la manière de l’Ancien Régime.

Sigismond de Montmorency-Luxembourg : un fondateur

En 1771, la mort du comte de Clermont rend nécessaire l’élection d’un nouveau Grand Maître. Les Maçons qui déploraient la crise institutionnelle que connaissait l’ordre depuis des années et qui aspiraient à ce que celui-ci dispose enfin d’une autorité régulatrice, à la fois reconnue et prestigieuse, y voient une opportunité de débloquer la situation. Parmi ceux-ci, un homme, Sigismond de Montmorency-Luxembourg, va jouer un rôle essentiel et finalement organiser une opération mûrement préparée et qu’il va méticuleusement mettre en œuvre. Il réunit la Grande Loge et fait élire comme Grand Maître l’une des personnalités les plus considérables du royaume : Louis-Philippe d’Orléans. Les délégués des Loges de province sont invités à son « installation » solennelle. Montmorency-Luxembourg les convie alors à discuter d’une nouvelle réforme de la Grande Loge. Il propose qu’elle soit fondée sur la représentation de toutes les Loges  et que toutes les fonctions y soient électives. Du 8 mars au 22 octobre 1773, cette « assemblée nationale » des Loges de France transforme l’ancienne Grande Loge en Grand Orient de France. La nouvelle appellation veut souligner que, pour la première fois, tous les « Orients » – toutes les villes dans le vocabulaire maçonnique – du royaume en sont partie prenante.

Le Grand Orient de France, première obédience maçonnique

À partir de 1773, le Grand Orient de France va mettre en place une organisation qui en fait la première obédience maçonnique moderne au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Ainsi, il inaugure une correspondance régulière avec toutes les Loges. Il leur envoie, plusieurs fois par an, des circulaires expliquant les décisions qui ont été prises. En retour, les Loges sont invitées à l’informer de leur composition et de leurs principales activités. En son sein, il précise les principes fondateurs des « Statuts de l’Ordre Royal de la Franc-maçonnerie » (1773) par un règlement qui organise les modalités de l’élection de ses « officiers » et le fonctionnement collégial de sa « Chambre d’Administration ». Règlement qui veille aussi au respect de contre-pouvoirs en capacité de faire appel de ses décisions. Sollicité par des Loges ou des Maçons, il est amené à préciser sa doctrine sur de grandes questions. Elle est l’application à la franc-maçonnerie des idées des Lumières. Ainsi, il prend vigoureusement position contre toute discrimination liée soit à la religion, soit à la couleur de peau, soit au handicap. « La constitution du Grand Orient, Très Chers Frères, est donc purement démocratique : rien ne s’y décide que par le vœu des Loges, porté aux Assemblées générales par leurs représentants » rappelle une circulaire…

À lire :

1773 : Le Grand Orient de France et les Loges des Lumières, Musée de la franc-maçonnerie, Paris, 2023, 44 pp.

Lumières et franc-maçonnerie : la formation du Grand Orient de France en 1773, Musée de la franc-maçonnerie, Paris, 2013, 34 pp.

Pierre Chevallier, Histoire de la Franc-Maçonnerie française, Tome 1 : La Maçonnerie, école de l’égalité (1725-1799), Fayard, Paris, 396 pp.

Alain Bauer & Roger Dachez, Nouvelle histoire des francs-maçons en France, Tallandier, Paris, 2020, 768 pp.

 

 

Crédits Images 

Illustration d’accueil : Faïence maçonnique du XVIIIe siècle © Musée de la franc-maçonnerie

Illustration chapô : Portrait de Sigismond de Montmorency-Luxembourg © Musée de la franc-maçonnerie

Illustration article : Une loge au XVIIIe siècle © Musée de la franc-maçonnerie

Bas de page : Statuts du Grand Orient de France, 1773 © Musée de la franc-maçonnerie

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut