Fondation de la Société de Géographie

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Par Perrine Michon, maîtresse de conférence en géographie à l’université Paris Est Créteil


Fondée le 15 décembre 1821 à l’Hôtel de Ville de Paris, la Société de Géographie est la plus ancienne du monde. Doyenne des sociétés de géographie, devançant son homologue allemande de 7 ans, ou encore celle de Londres qui ne sera fondée qu’en 1830, celle de Saint-Pétersbourg en 1845 ou celle de New-York en 1852, elle ne requiert pas de complément de lieu pour la désigner et fête cette année ses 200 ans.

La Société de Géographie, une institution qui a hébergé les plus grands savants

Déclarée d’utilité publique par Charles X en 1827, elle aurait pu voir le jour à la fin de l’Ancien Régime tant les questions géographiques passionnent alors le roi et son entourage. Jean-Nicolas Buache, cartographe du roi, l’avait envisagé en 1785 et l’on prête à Louis XVI, passionné par les voyages, ces ultimes paroles en montant à l’échafaud : « A-t-on des nouvelles de monsieur de Lapérouse ? ». Napoléon lui-même, mort l’année de sa fondation, aurait souhaité la création d’une institution de ce genre. Les géographes d’alors ont des profils hybrides comme l’attestent les 217 personnalités qui fondent la Société de Géographie en 1821, parmi lesquelles on trouve de nombreux membres de l’expédition d’Égypte et les plus grands savants de l’époque tels que Chaptal, Cuvier, Fourier, Gay-Lussac, Berthollet, mais aussi Alexandre de Humboldt, Champollion; de même que le profil de ses présidents – dont le mandat est à l’époque d’un an : le premier président de la Société, Pierre-Simon de Laplace, est un mathématicien, physicien, astronome, membre de l’Académie des sciences et de l’Académie française, Cuvier est anatomiste et paléontologue, le duc Ambroise-Polycarpe de La Rochefoucauld ou François Guizot sont ministres, et la Société de Géographie aura pour président Chateaubriand en 1824-1825. Plus tard, les présidents sont de plus en plus souvent des savants voyageurs qui ont réellement contribué aux progrès du savoir géographique, tels Alexandre de Humboldt, président en 1845-46 ou Edme-François Jomard, l’un des principaux rédacteurs de la Description de l’Égypte, ouvrage encyclopédique monumental, issu de la campagne d’Égypte de Napoléon, en 1848-49. Plus tard, le mandat des présidents s’allonge : Ferdinand de Lesseps est en fonction de 1881 à 1890, le Prince Roland Bonaparte de 1910 à 1924. Depuis 1946, les présidents sont généralement des universitaires : Emmanuel de Martonne, Jean Despois, Jacqueline Beaujeu-Garnier, Jean Bastié ou actuellement Jean-Robert Pitte.

Une Société prestigieuse, entreprenante et importante 

La Société de Géographie est à son apogée durant le Second Empire : en sont membres l’Empereur Napoléon III, les souverains de Suède, de Norvège, du Portugal, des Belges ou encore d’Espagne et de Roumanie. Aujourd’hui, elle rassemble environ 800 membres et une centaine de membres d’honneur répartis sur tous les continents, parmi eux le Prince Albert II de Monaco et le Prince Charles d’Angleterre, tous deux passionnés de questions d’environnement et d’aménagement du territoire. Après avoir, au XIXe siècle, encouragé les expéditions sur les terres encore mal connues et soutenu la publication de cartes et d’ouvrages, permettant de combler les blancs sur les cartes, la Société de Géographie continue aujourd’hui ses activités de promotion du savoir géographique sous des formes diverses : conférences mensuelles, colloques, publications parmi lesquelles sa revue trimestrielle La géographie, organisation de voyages pour ses membres. Enfin, elle attribue des prix dont le Grand Prix de la Géographie : le dernier récipiendaire en est Érik Orsenna, pour son amour de la géographie.

Au 184 boulevard Saint-Germain, sur le terrain acquis en 1878 et sur lequel fut construit un immeuble destiné à abriter les bureau de la Société et sa bibliothèque, on peut aujourd’hui admirer, dans le musée de la Société de Géographie, un masque mortuaire de Napoléon, la chaise à porteur du comte de Lapérouse qui, à bord de L’Astrolabe et la Boussole, engagea une grande expédition autour du monde en 1785, la chevalière en or de René Caillié, qui fut le premier explorateur occidental à revenir de Tombouctou, ou encore un portrait de Pierre Savorgnan de Brazza – dont les expéditions à la recherche de la source du fleuve Ogooué ont été financées à la fois par le gouvernement français de la IIIe République, notamment par Jules Ferry et Léon Gambetta, et par la Société de géographie -, ou encore un buste d’Elisée Reclus. L’ensemble des manuscrits, archives et photographies de la Société de Géographie est conservé, depuis 1942, au Département des Cartes et Plans de la Bibliothèque nationale de France.

Si le monde actuel est entièrement cartographié et chacun potentiellement géolocalisable, la géographie reste une boussole indispensable pour déchiffrer, comprendre et éclairer un monde complexe, en évolution quasi-permanente, à l’heure du réchauffement climatique, de l’urbanisation massive, des migrations ou des recompositions géopolitiques. La Société de Géographie est ouverte à tous ceux, simples citoyens, acteurs économiques ou sociaux ou décideurs politiques, qui souhaitent aiguiser et partager un regard lucide et constructif sur le monde, avec comme postulat que la géographie sert à faire la paix.

 

À lire :

J.-R. Pitte, B. Simmat, P. Bercovici, L’Incroyable histoire de la géographie, Paris, Les Arènes et La Société de Géographie (2021)

J. Gonzalès, Décrire la Terre, écrire le monde. Le livre du bicentenaire de la Société de géographie, Paris, Glénat (2021)

J.-R. Pitte, P. Michon (dir.), À quoi sert la géographie ?, Paris, PUF (2021)

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