Ernest Renan et l’Institut de France

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Ernest Renan et l'Institut de France par M. René Pomeau, délégué de l'Académie des Sciences morales et politiques

Ce discours est prononcé à l'occasion de la Séance publique annuelle des cinq Académies du mardi 20 octobre 1992

ERNEST RENAN ET L’INSTITUT DE FRANCE

par

M. René POMEAU, 

délégué de l’Académie des Sciences morales et politiques

Le Second Empire vivait en 1867 ses plus beaux jours. Le régime impérial organisait cette année-là, à Paris, une Exposition universelle, dont les fastes se développaient sur Je Champ-de- Mars, et jusqu’à l’île de Billancourt. À la faveur d’une telle manifestation, la capitale de l’Empire devait apparaître comme le centre de la civilisation et du progrès.

On publia alors, à l’usage des visiteurs, deux gros volumes intitulés Paris-Guide. Le premier tome traitait de la science et de l’art. Il donnait toutes sortes de renseignements utiles: descriptions des monuments, des théâtres, y compris les horaires et les tarifs. Mais surtout il proposait une présentation culturelle de la capitale. Après une rubrique sur l’histoire de Paris, venait une section sur les «Institutions scientifiques et littéraires». En tête de celles-ci, l’Institut de France. Sous ce titre, Paris-Guide donnait trois articles. Le premier, par Ernest Renan, traitait de l’Institut dans son ensemble. Le suivant, par Sainte-Beuve, présentait l’Académie française, et le troisième, par Marcelin Berthelot, l’Académie des Sciences. On est frappé, dans ce volume d’allure quasi officielle, par la proportion des signatures d’opposants à l’Empire, du moins à l’Empire autoritaire. D’abord Victor Hugo, l’opposant suprême, qui ouvre l’ouvrage par une introduction éclatante sur ce que sera le vingtième siècle. On rencontre ensuite les noms de Louis Blanc, Littré, Michelet, Edgar Quinet, Hippolyte Taine. Dans le chapitre sur l’Institut, Sainte-Beuve est sans doute sénateur de l’Empire, mais dans l’opposition libérale, Marcelin Berthelot, le grand ami de Renan, s’affirme de tendance républicaine. Quant à Renan lui-même… Mais pour comprendre la présence de celui-ci dans Paris-Guide, et pour éclairer son remarquable article sur l’Institut, il est utile de se rappeler ce que furent ses relations d’une part avec l’Institut de France, d’autre part avec le pouvoir impérial.

La véritable vocation de Renan avait été l’étude et son prolongement, la recherche. Lorsqu’ayant refusé le sous-diaconat, il dut quitter le séminaire de Saint-Sulpice, il consacra le meilleur de ses forces à un travail scientifique et il le soumit à l’Institut.

En 1847, il concourut pour le prix Volney, prix de l’Institut, bien que la commission chargée de le décerner fût composée en majorité de membres de l’Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. Il remit un gros manuscrit in-4e de 1 518 feuillets, intitulé Essai historique et théorique sur les langues sémitiques en général et sur la langue hébraïque en particulier. Il remporta le prix, sur un rapport très élogieux de Burnouf. La remise eut lieu au cours d’une séance publique des cinq Académies, le 3 mai 1847. Renan a raconté la scène dans une lettre à sa sœur Henriette. Tocqueville présidait, en qualité de président pour l’année de l’Académie française. A ses côtés, Villemain, secrétaire perpétuel, et Rémusat, chancelier.  Le lauréat a regardé ces autorités, réunies devant lui, et il nous a livré ses impressions : « Tous ces vieux académiciens[1], écrit-il à sa sœur, […J sont loin de représenter le ton à la mode ; mais ils représentent quelque chose de mieux,  la délicatesse dans les choses de l’esprit, la finesse, le tact exquis, et ce qui est mieux encore, la science, la pensée, la philosophie » (Œuvres complètes, Paris, Calmann-Lévy, 1960, tome IX, p. 988). On appréciera ce jugement, porté par un jeune savant, qui n’avait alors que vingt-quatre ans.

[1] On remarquera qu’en 1847 Tocqueville a quarante-deux ans, Villemain cinquante-sept ans et Rémusat cinquante ans.

 

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Ernest Renan et l’Institut de France

Illustration de l’article : Vue de l’Institut © Archives de l’Institut de France 

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