Ernest Renan et l’Avenir de la science

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Ernest Renan et l'Avenir de la science par M. Etienne Wolff, délégué de l'Académie des Sciences

Ce discours est prononcé à l'occasion de la Séance publique annuelle des cinq Académies du mardi 20 octobre 1992

ERNEST RENAN ET L’AVENIR DE LA SCIENCE

par

Etienne WOLFF

délégué de l’Académie des Sciences

L ‘Avenir de la Science, tel est le titre d’une des œuvres de jeunesse de Renan. On y trouve beaucoup de développements sur les sciences historiques et sur la science en général. Il y a tant de sujets à réflexion dans l’œuvre de Renan qu’on a en quelque sorte l’embarras du choix pour les évoquer.

Voici un ou deux exemples de pensées tirées de la préface de ce livre: « L’idée d’une civilisation égalitaire est donc un rêve. Une école où les écoliers feraient la loi serait une triste école[1]. La lumière, la moralité et l’art seront toujours représentés dans l’humanité par un magistère, par une minorité gardant la tradition du vrai, du bien et du beau. Seulement, il faut éviter que ce magistère ne dispose de la force et ne fasse appel, pour maintenir son pouvoir, à des impostures, à des superstitions. »[2]

Ces phrases auraient pu être recommandées aux étudiants qui, en 1968, prétendaient à réformer l’Université et à se substituer à ses maîtres.

On trouvera dans le passage suivant une réflexion dont l’actualité est incontestable: « En philologie, les grammairiens du temps s’amusaient à montrer l’inconséquence, les fautes du langage, tel que le peuple l’a fait et à corriger les écarts de l’usage par la raison logique, sans s’apercevoir que les tours qu’ils voulaient supprimer étaient plus logiques, plus clairs, plus faciles que ceux qu’ils voulaient y substituer. Ce siècle ne comprit pas la nature, l’activité spontanée. »

Cette remarque de Renan pourrait être adressée à tous ceux qui, actuellement encore, se préoccupent de réformer la langue. Entreprise toujours hasardeuse, car, comme le remarque Renan, on risque de substituer une incorrection nouvelle à une ancienne ou à promouvoir une règle générale qui ne s’applique qu’à quelques cas. Nous avons la preuve de ces difficultés dans les tentatives qui ont été faites pour moderniser notre vocabulaire. L’Académie française, tout en remédiant à quelques orthographes trop illogiques, a fait justice de certaines prétentions à des réformes radicales et simplistes.

En tant que biologiste, je me suis demandé ce que Renan avait pensé et écrit sur les sciences de la vie. C’est dans une lettre adressée à Marcelin Berthelot que l’on trouve les données les plus précises sur la pensée de Renan. A ce propos, il nous livre d’abord une confession: « Ici, au bord de la mer, revenant à mes plus anciennes idées, je me suis pris à regretter d’avoir préféré les sciences historiques à celles de la nature, surtout à la physiologie comparée. Autrefois, au séminaire d’Issy, ces études me passionnaient au plus haut degré ; à Saint-Sulpice j’en fus détourné par la philologie et l’histoire, mais chaque fois que je cause avec vous, avec Claude Bernard, je regrette de n’avoir qu’une vie, et je me demande si, en m’attachant à la science historique de l’humanité, j’ai pris la meilleure part. »

[1] Non en caractères italiques dans le texte.

[2] Préface de L’Avenir de la Science écrit en 1848, paru en 1890, tome 3 des Œuvres Complètes d’E. Renan, p. 720.

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Téléchargez l’intégralité de ce discours ci-dessous : 

Ernest Renan et L’Avenir de la science

Illustration de l’article : Allégorie de la Science ou de l’Astronomie, Nicolas Auguste Gallimard (1856) © Musée Carnavalet | Wiki Commons

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