ÉPISODE 3 : Le veuvage

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Article de Dominique Barthélemy, historien, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres


Après trente-sept années de mariage au cours desquelles Henri II confère à sa femme, reine d’Angleterre, des moments d’exercice de pouvoir sur le sol aquitain en son absence, Aliénor se révolte avec ses trois fils aînés. Face à cette rébellion découlant des questions de succession, Henri II tente d’apaiser les tensions et de satisfaire ses fils, mais maintient Aliénor sous étroite surveillance dans des châteaux anglais jusqu’à sa mort en 1189. 

Lorsque son veuvage la libère et fait d’elle une reine mère active (1189), Aliénor d’Aquitaine n’a plus qu’à se dépenser en faveur de son fils préféré, Richard Cœur de Lion, qui meurt en 1199, puis du dernier, Jean Sans Terre, en proie à la politique corrosive de Philippe Auguste. Sans doute ne s’oppose-t-elle pas au mariage de sa petite-fille, Blanche de Castille, au fils de Philippe (décidé en 1200), mais elle ne soutient aucunement contre Jean son petit-fils Arthur de Bretagne (fils de Geoffroi, protégé de Philippe Auguste), qui vient l’assiéger, elle, dans Mirebeau et se fait prendre par son oncle, sous la garde de qui il fait une mort suspecte. Retirée à l’abbaye de Fontevraud, Aliénor d’Aquitaine meurt à son tour en 1204, juste au moment où Philippe Auguste en est à conquérir la Normandie, réalisant un objectif majeur de la politique capétienne.

La destinée d’Aliénor illustre donc à la fois l’influence des dames de très haut parage dans la société du XIIe siècle et ses limites – faut-il dire ses contreparties ? La documentation d’archive sur elle, pour abondante qu’elle soit, reste étriquée, et la chronique parfois fabulatrice. Plus encore il faut suspecter, ou plutôt prendre au second degré, une série de légendes qui lui attribuent, l’une d’avoir eu une romance avec Saladin, une autre d’avoir demandé, par un sanguinaire caprice, à un chevalier subjugué de se battre pour elle en chemise et sans armure, une autre encore d’avoir pénétré hardiment dans un château bien gardé pour tuer de sa main la belle Rosemonde, maîtresse de Henri II – laquelle est morte en fait dans un couvent de religieuses, comme beaucoup d’anciennes favorites, et comme Aliénor elle-même !

Crédits images :

Gisant d’Aliénor d’Aquitaine, au second plan Henri II Plantagenêt, à l’Abbaye de Fontevraud, XIIe siècle © Wikimedia Commons

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