La dynastie Carnot

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Article de Gilles Bertrand, professeur émérite à l’université de Bourgogne, président du conseil scientifique de l’Académie François Bourdon


2023 avait mis en lumière Lazare Carnot, Organisateur de la Victoire, bâtisseur de la République, fondateur de l’École polytechnique, mathématicien et physicien talentueux. En 2024, les projecteurs se portent sur l’un de ses fils, Sadi.

Sadi, fils de Lazare Carnot

Lazare Carnot se marie le 17 mai 1791 à Salperwick, près de Saint-Omer, avec Jacqueline Sophie Dupont, de Maninghem (dite aussi du Pont de Lierdt, 1764-1813) dont il a deux fils survivants (deux ainés sont morts, l’un à la naissance, le second Sadi à un an).

Sadi naît le 1er juin 1796 au palais du Luxembourg à Paris, résidence des membres du Directoire dont fait partie Lazare, son père. Son prénom Sadi évoque un poète persan du Moyen-Age, Saadi de Shiraz. Prénommé Sadi à l’État-civil, il est baptisé Nicolas Léonard à l’initiative de ses grands-parents à l’église des Capucins, à Paris. Après le coup d’Etat de Fructidor, son père est en exil et sa mère se réfugie chez ses parents à Saint-Omer.

Hippolyte naît en 1801 à Saint-Omer : homme politique, il est lui-même père de Sadi Carnot, futur président de la République né en 1837.

De 1801 à 1811, Lazare, qui n’est plus ministre de Bonaparte, consacre une partie de son temps à l’éducation de ses fils. En 1806, il achète le château de Presles près de La Ferté-Alais (Essonne), qui est toujours propriété de la famille et où grandissent ses enfants.

Bon élève, Sadi confirme ses dispositions pour les sciences et entre en 1811 au lycée Charlemagne.

De Polytechnique au Génie

En 1812, il a seize ans et entre à l’École polytechnique où il est reçu vingt-quatrième sur 179. Il a comme professeurs Poisson, Hachette, Arago, Thénard, Dulong… Les 29 et 30 mars 1814, Sadi participe avec le Bataillon des Polytechniciens à la défense de Paris et se distingue au cours d’un engagement à Vincennes. Son père le félicite depuis Anvers. En octobre de la même année, il sort dixième de sa promotion et est admis comme élève officier à l’École d’application de l’Artillerie et du Génie de Metz, héritière de l’École Royale du Génie de Mézières.

En 1813, sa mère Sophie décède ; en avril 1814, il rejoint son père Lazare qui quitte Anvers où il était gouverneur. En juillet 1815, Lazare Carnot, après avoir été ministre de l’Intérieur pendant les Cent-Jours, est proscrit par Louis XVIII et doit s’exiler finalement à Magdebourg où son autre fils Hippolyte, âgé de 14 ans, l’accompagne.

En avril 1817, Sadi sort de l’école de Metz comme sous-lieutenant et vient passer quelques mois à Nolay chez son oncle alors à la retraite, le lieutenant-général du Génie Carnot-Feulins (Claude Marie Carnot, frère cadet de Lazare).

Avec l’avènement de la paix en 1815, Sadi se retrouve astreint à la routine monotone de la vie de garnison et les chances de promotion ou de gloire sont bien minces. En tant que fils d’un chef républicain exilé, il est considéré comme peu sûr, aussi s’arrange-t-on pour que son lieu d’affectation soit éloigné de Paris. Sadi Carnot est muté régulièrement (Besançon, Salins, Montpellier, Langres). Il inspecte des fortifications, trace des plans et rédige de nombreux rapports… sans beaucoup d’effets en retour.

L’ordonnance du 6 mai 1818 portant création d’un Corps royal d’État-Major et d’une école d’application pour la formation des officiers, un concours est ouvert en septembre 1818 et Sadi bénéficie d’un congé pour le préparer. Reçu, il est nommé lieutenant d’État-Major en 1819 et affecté à Paris, mais il demande sa mise en disponibilité pour se consacrer à ses études scientifiques.

Un temps pour la Science et les Arts

Sadi loge près de son oncle Joseph, conseiller à la Cour de Cassation, dans un petit appartement du quartier populaire du Marais qu’il occupa jusque vers le milieu de 1831. Il suit des cours à la Sorbonne, au Collège de France, à l’École des Mines où enseigne le jeune Émile Clapeyron. Il est aussi élève au Conservatoire national des Arts et Métiers où Nicolas Clément-Desormes dispense un cours de chimie appliquée aux Arts (machines thermiques, chaleur), et Jean-Baptiste Say un cours d’économie industrielle. Il fréquente aussi le Jardin des Plantes, la Bibliothèque du Roi, le musée du Louvre et le Théâtre italien de Paris. Sadi Carnot s’intéresse aux problèmes industriels, visite des ateliers et des usines, étudie la théorie des gaz et les dernières théories d’économie politique. Il laisse des propositions détaillées sur les problèmes courants comme les taxes, mais les mathématiques et les arts le passionnent. Les membres du cercle qu’il fréquente sont de tendances radicale et républicaine.

C’est en 1824 que Sadi Carnot publie son ouvrage scientifique majeur, Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance, illustrant à son tour le nom de la dynastie Carnot. Hippolyte écrit dans sa notice bibliographique jointe à la réédition de 1878 : « Sadi me faisait lire des passages de son manuscrit, afin de s’assurer qu’il serait compris par des personnes vouées à d’autres études ».

Crédits images :

Bannière et bas de page : Arbre généalogique illustré de la famille Carnot © Fonds Sylvie Carnot, Archives départementales de la Côte-d’Or, 143 J

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