Richelieu principal ministre de Louis XIII

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Par Françoise Hildesheimer, archiviste-paléographe, Conservateur général du Patrimoine


Troisième fils du grand prévôt de France, Armand-Jean du Plessis de Richelieu, est né à Paris le 9 septembre 1585. Alliant noblesse d’épée et noblesse de robe, ses parents étaient de parfaits représentants de la haute société du temps.

Une longue marche vers le pouvoir

Sa trajectoire politique en forme de longue et incertaine marche vers le sommet de l’État passera par l’ordre du clergé : en 1606, il est nommé évêque de Luçon et l’épiscopat lui tiendra lieu de préparation à la gestion des affaires publiques. En 1614, il est député du clergé aux États généraux ; secrétaire d’État en 1616-1617, il est renvoyé à la mort de Concini. À l’issue des guerres de la Mère et du Fils (1619-1620), son retour au pouvoir se fait aux côtés de la reine mère, Marie de Médicis. Nommé cardinal en 1622, il entre au Conseil du roi le 29 avril 1624 ; le 13 août, il en devient le chef.

Richelieu, principal ministre

Il lui revient alors de s’imposer aux côtés de Louis XIII et de durer dans le cadre d’un système de gouvernement appelé « ministériat », et dans un premier temps de passer de la faveur de la reine mère à celle du souverain.

Les premières années sont marquées par l’annihilation politique des huguenots qui culmine, en 1627-1628, avec le siège et la chute de La Rochelle, sanctionnée, en 1629, par l’édit de grâce d’Alais. Le 21 novembre 1629, Richelieu est officiellement désigné comme « conseiller en nos Conseils et principal ministre de nostre Estat ». Celui qui faisait jusque-là figure d’artisan zélé de la réforme catholique, supposant une alliance avec l’Espagne, propose une réorientation de la politique française visant à la suprématie européenne et passant par la guerre contre les très catholiques Habsbourg qui, dominant l’espace européen avec l’Espagne au sud et l’Empire au nord-est, encerclaient quasiment le royaume. Il doit surmonter l’opposition du parti dévot : c’est le « grand orage » qui se résout, en novembre 1630, à la « Journée des Dupes », laquelle manifeste l’adhésion du roi à ce dessein et permet l’entrée progressive de la France dans la guerre de Trente Ans, au prix de la conclusion d’alliances scandaleuses avec les puissances protestantes (23 janvier 1631, traité de Bärwald sanctionnant l’alliance franco-suédoise).

La guerre jusqu’à la mort

D’abord « couverte », la guerre devient « ouverte » le 19 mai 1635 quand la France déclare la guerre à l’Espagne. Elle ne se terminera qu’après la mort de Richelieu par la conclusion en 1648 des traités de Westphalie avec l’Empire et, en 1659, de la paix des Pyrénées avec l’Espagne, aux termes desquels la France accède au statut de première puissance européenne. Cette politique a nécessité une pression fiscale jamais atteinte et a suscité à l’intérieur du royaume des révoltes populaires durement matées et, pour le ministre, une impopularité se traduisant par de multiples complots et conjurations qui demeurent impuissants à l’abattre : c’est dans son lit qu’il meurt le 4 décembre 1642 après quelque dix-huit années d’exercice du pouvoir.

Un destin trop souvent anachronique

Richelieu est connu par son Testament politique rédigé dans les années 1640 à l’intention de Louis XIII. On y trouve formulé ce que les historiens ont appelé son « grand dessein » : « Ruiner le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des grands, réduire tous les sujets en leurs devoirs et relever [le nom du roi de France] dans les nations étrangères au point où il devait être. » Qualifié par Sainte-Beuve de « bréviaire de l’homme d’État » et vu aujourd’hui par Henry Kissinger comme le modèle de l’art politique et diplomatique, ce texte est à l’origine de l’image traditionnelle d’un Richelieu, père de l’État moderne, tenant sans scrupule d’une raison d’État machiavélienne et amorale. Pas davantage qu’à cette légende noire mise en scène par les romantiques, on ne saurait souscrire à l’image forgée par les milieux anticléricaux du XIXe siècle, lesquels ont vu en lui le premier « laïcisateur » de la politique. Anachronique, la notion lui était bien étrangère, tout comme nos approches psychologiques, voire psychanalytiques ou encore sociales qui sont davantage à prendre comme sources de questionnements renouvelés que comme explications valables.

Il faut replacer Richelieu en son époque pour lui restituer pleinement sa qualité de cardinal-ministre : ce représentant des deux premiers ordres de la société fut un chrétien pénétré de théologie thomiste (la raison d’État), attentif à l’accomplissement de ses devoirs de prélat et, jusqu’à la fin de sa vie, auteur d’ouvrages théologiques. En un temps où les affaires religieuses étaient tout naturellement des affaires d’État et où la vocation des hommes d’Église à une carrière politique était chose normale, c’est sans contradiction avec sa foi religieuse qu’il entendit mener une action politique sécularisée au service du roi.

À lire :

Gabriel HANOTAUX et le duc de LA FORCE, Histoire du Cardinal de Richelieu, 7 vol., Paris, Plon, 1893-1947

Françoise HILDESHEIMER, Richelieu, Paris, 2004 (rééd., 2021)

Françoise HILDESHEIMER, Richelieu, CVRH, 2023

Françoise HILDESHEIMER et Dénes HARAI (dir.), Dictionnaire Richelieu, Paris, Champion, 2015

RICHELIEU, Testament politique, édition en français modernisé par F. Hildesheimer, Paris, Champion, 2012

Crédits images :

Bannière de la page d’accueil : Philippe de Champaigne, Triple portrait du cardinal de Richelieu, 1642 © Wikimedia Commons

Illustration du chapô : Le cardinal de Richelieu, médaille gravée, par Jean Varin (ou Warin, dit Jean II), 1631. © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

Bannière de l’article : Le cardinal de Richelieu recevant les hommages de Robert de Sorbon, gravure de Grégoire Huret, 1642 © Bibliothèque numérique de la Sorbonne. URL : https://nubis.bis-sorbonne.fr/ark:/15733/mt75

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