Premier festival international de bande dessinée à Angoulême

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Par Pierre Lungheretti, directeur délégué du théâtre national de Chaillot, ancien directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image, auteur du rapport La bande dessinée, nouvelle frontière artistique et culturelle, remis au ministre de la Culture en 2019.


L’initiative de créer un “Salon international de la bande dessinée d’Angoulême” est née en janvier 1974 par la volonté enthousiaste d’un trio de passionnés, Francis Groux, Jean Mardikian et Claude Moliterni dont les deux premiers étaient membres du conseil municipal d’Angoulême, ce qui a permis l’appui précieux des services de la Ville. Ils avaient été impressionnés par leur visite au festival de Lucques en Italie, créé en 1965. En France, il n’existait qu’une seule manifestation de bande dessinée, à Toulouse, lancée en 1973, qui s’éteindra au début des années 1980. 

Bande dessinée et politiques culturelles

Les réseaux de Claude Moliterni, spécialiste de bande dessinée, ont permis dès les premières années la présence d’auteurs de renom (notamment Claire Bretécher, Franquin, Gotlib, Kurtzmann en 1974, Hergé en 1977). La création d’un prix dès la première année, la dimension culturelle de la manifestation, avec la production d’expositions, ainsi qu’un volet éducatif dès 1975 ont grandement contribué à son attractivité. 

La progression du festival a été constante et rapide. Il s’est internationalisé, accueillant massivement des auteurs et éditeurs du monde entier. Les années 1980, avec la politique d’ouverture culturelle portée par le ministre de la Culture Jack Lang, qui visite le festival dès 1982, ainsi que le président de la République François Mitterrand en 1985, ont suscité une reconnaissance de l’État. L’annonce par Jack Lang lors de l’édition de 1983 des quinze mesures en faveur de l’image amorce une véritable politique nationale en faveur du 9e art. Le festival est aussi à l’origine d’une collection de planches originales qui sera l’embryon du futur musée de la bande dessinée, implanté au Centre national de la bande dessinée et de l’image. Cet établissement est l’un des Grands Travaux du Président Mitterrand en région : il ouvrira en 1990 et deviendra par la suite la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, rassemblant plusieurs entités au service de la BD. Dans les années 2000, le festival s’ouvre largement au manga et diversifie ses propositions culturelles, avec notamment des concerts dessinés associant musiciens et bédéistes. 

Angoulême, capitale de l’image

L’un des impacts les plus structurants du festival est d’avoir suscité à Angoulême le développement d’un écosystème territorial autour de l’image unique en Europe, avec outre la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, un ensemble conséquent d’écoles publiques et privées (bande dessinée, animation, jeux vidéo), l’implantation de studios de production et de fabrication autour de l’image animée et des jeux vidéo, une importante communauté d’auteurs et des éditeurs de livres. Ce pôle joue un rôle majeur dans le développement économique de la cité charentaise qui connaissait depuis les années soixante un déclin industriel. 

Vitalité et créativité au festival du 9e art

La manifestation angoumoisine a conquis une place à part dans le paysage des festivals et dans le panorama culturel français. Son attractivité internationale et son impact médiatique sont du niveau des plus grands festivals français de dimension mondiale, tels que le festival de Cannes ou le festival d’Avignon. Son « Grand Prix » et ses « Fauves » sont devenus le Goncourt” ou les “Oscars” de la bande dessinée.  Et avec le concours de la bande dessinée scolaire, près d’une dizaine d’expositions, pour la plupart produites ou coproduites par le festival, des dizaines de rencontres et spectacles, des centaines d’exposants du monde entier et d’auteurs présents pour des séances de dédicaces, près de 1000 journalistes internationaux, ainsi qu’un festival « off », et une ville qui vit au rythme trépidant de cet ensemble d’activités, il investit l’espace urbain et donne le sentiment d’une très grande unité, qui procure aux 200 000 festivaliers une expérience de visite d’une forte intensité. Il est l’emblème de la place centrale qu’occupe désormais le 9e art dans la création française et dans les pratiques culturelles. La visite du président Emmanuel Macron en janvier 2020, pour lancer BD 20-21 Année de la Bande Dessinée, témoigne désormais de l’attention des plus hautes autorités de l’État à cette manifestation et à ce domaine artistique.  

À lire :

Le choix de Pierre Lungheretti :

Florence Dupré Latour , Jumelle, tome 1 et tome 2, éditions Dargaud, 2023

Christophe Blain et Jancovici, Un monde sans fin, 2021, éditions Dargaud, 2021

Fabrice Neaud  Le dernier Sergent, tome 1, éditions Delcourt, 2023

Ouvrages critiques :

Pascal Ory, Laurent Martin, Sylvain Venayre, Jean-Pierre Mercier, L’Art de la bande dessinée, Citadelles & Mazenod, 2012

Laurent Deveze, « Bande dessinée », dans Emmanuel de Waresquiel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris : Larousse, CNRS Editions, 2001, p. 72-74.

Thierry Groensteen, Michel Donne Angoulême, la BD dans la ville, Mouthiers-sur-Boëme : éd. de l’An 2, 2005

Thierry Groensteen (dir.) Le bouquin de la Bande Dessinée, collections Bouquins, éditions Robert Laffont, 2021.

Crédits images 

Illustration d’accueil : Photographie du premier festival international de BD d’Angoulême, 1974 © Festival  International de bande dessinée Angoulême

Illustration du chapô : Photographie du premier festival international de BD d’Angoulême, 1974 © Festival  International de bande dessinée Angoulême

Illustration de l’article  et bas de page : Affiche du premier festival international de BD d’Angoulême, 1974 © Hugo Pratt

 

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