Naissance de Pauline Garcia-Viardot

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Par France Mémoire, avec le concours du Centre européen de musique


Fille du célèbre ténor andalou Manuel Garcia et de la cantatrice Joaquina Sitches, Pauline Viardot est née à Paris le 18 juillet 1821. Son père avait fui l’Espagne pour des raisons politiques et portait sur scène le souffle du mouvement romantique. Tous les enfants sont musiciens. Pauline est la petite dernière. Sa sœur Maria connait une carrière exceptionnelle de diva, sous le nom de La Malibran, avant de mourir d’une chute de cheval en 1836. Son frère Manuel s’illustre comme baryton. 

Enfant, Pauline suit les tournées familiales, jusqu’à New York ou Mexico. Elle se destine au piano et reçoit des leçons de Liszt. En 1838, la jeune fille commence à se produire comme cantatrice, dans le sillage de son aînée disparue. Elle triomphe dès l’année suivante en incarnant Desdémone dans l’Otello de Rossini. Sa voix de mezzo-soprano couvre une large tessiture, du contralto au soprano-colorature. Alfred de Musset décrit son timbre unique, doux et âpre à la fois, qui laisse « une impression à peu près analogue à la saveur d’un fruit sauvage ». En 1840, Pauline épouse Louis Viardot sur les conseils de George Sand. Directeur du Théâtre des Italiens, il sera plus tard son imprésario. La chanteuse révolutionne l’art lyrique en y incorporant un jeu de scène inédit. Elle devient volontiers tragédienne ou costumière. Berlioz, Meyerbeer, Saint-Saëns, Gounod… Tous composent pour elle des rôles majeurs de l’opéra romantique. En 1849, elle incarne Fidès, cette mère, femme du peuple, prise dans la tourmente révolutionnaire, pour la création du Prophète de Meyerbeer. Puis elle lance la carrière lyrique de Gounod qui écrit pour elle son premier opéra, Sapho, créé en 1851. En 1859, Berlioz accepte de retravailler pour elle le rôle d’Orphée dans l’opéra de Glück. Le spectacle remporte un triomphe.

La portée aux nue d’une exceptionnelle musicienne

Pauline Viardot joue un rôle important dans la redécouverte de la musique ancienne. Elle interprète certains auteurs oubliés, comme Haendel. En 1855, elle vend ses bijoux pour acquérir le manuscrit autographe du Don Giovanni de Mozart. Cette relique fait l’objet de véritables pèlerinages à son domicile, par exemple de la part de Rossini ou de Tchaïkovski. La cantatrice ne se contente pas de laisser parler sa sensibilité. Elle se documente et lit beaucoup pour nourrir ses interprétations d’une approche plus intellectuelle et réfléchie.

Rapidement, Pauline Viardot a conquis les plus grandes scènes du continent, de Madrid à Moscou en passant par Londres, Paris, Bruxelles, Vienne, Berlin, Budapest, Varsovie et Saint-Pétersbourg. C’est une vedette. Elle provoque l’hystérie des foules et la fascination des puissants. La reine Victoria, Isabelle II d’Espagne, le roi de Prusse Guillaume et la reine Augusta, le tsar Nicolas Ier ou encore le roi des Belges Léopold Ier et Guillaume III des Pays-Bas… Tous l’ont acclamée, jusqu’à la fin de sa carrière de cantatrice en 1863.

Après sa sortie de scène, la chanteuse déploie ses talents de compositrice. On lui doit de nombreuses chansons et mélodies, souvent inspirées par l’Espagne, quelques œuvres chorales dont La Jeune République en 1848, des pièces instrumentales, par exemple pour violon et piano, et quatre opéras accompagnés de livrets de Tourgueniev, à l’instar du Dernier Sorcier (1869). En 1904, déjà âgée, elle écrit le texte et la musique de Cendrillon qui est donné dans le salon de la princesse Mathilde de Nogueiras. Première femme membre de la SACEM, Pauline Viardot défend le droit d’auteur.

Une personnalité des Arts de son temps 

Chez elle, dans son salon de Paris, de Baden Baden (1867-1870), ou de Bougival (1874-1883), Pauline Viardot reçoit de nombreuses personnalités. Elle favorise la rencontre entre des artistes, des écrivains et des journalistes en provenance de toute l’Europe. Certains lui donnent la primeur de leurs créations. Elle compte parmi ses intimes Chopin, Liszt, Verdi, Brahms, Lamartine, Dickens, Flaubert, Zola, Hugo, les Dumas, Maupassant, les Goncourt, Delacroix, les Schumann, Wagner, Tourgueniev… Elle inspire à George Sand l’héroïne du roman Consuelo qui raconte l’ascension d’une chanteuse. Sa correspondance témoigne de l’étendue de son réseau. Vive d’esprit, passionnée par la poésie et la littérature, elle maîtrise six langues européennes. Elle passe aisément de l’une à l’autre dans son écriture.

Pauline Viardot sert de mentor à la nouvelle garde française. Grande pédagogue du chant, notamment pour les femmes, elle influence le milieu lyrique. La « méthode Garcia » se propage dans le monde entier. Son héritage est immense. La musicienne joue aussi un rôle majeur auprès de jeunes compositeurs qui profitent de la réputation de son salon : Gounod puis Fauré et Saint-Saëns lui doivent beaucoup.

Ses convictions républicaines sont en accord avec les engagements politiques de son mari, proche du milieu saint-simonien. Avec l’écrivain Ivan Tourgueniev, ils mènent longtemps une vie à trois, à Bougival. Pauline Viardot a quatre enfants, sans jamais abandonner sa carrière. Sa fille, Louise Heritte-Viardot, sera compositrice. 

Pauline Viardot meurt le 18 mai 1910 à Paris. Artiste géniale, femme d’influence, personnalité indépendante et intelligente, elle a dominé la culture de son temps. 

 

À lire :

Patrick Barbier Pauline Viardot, Grasset, 2009. 

Michèle FriangPauline Viardot au miroir de sa correspondance, Hermann musique, 2008

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