Naissance du corsaire René Duguay-Trouin

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Par Patrick Villiers, professeur émérite des universités en histoire maritime


René Trouin dit Duguay-Trouin, corsaire et lieutenant-général français est né le 10 juin 1673 à Saint-Malo, septième enfant d’une fratrie de onze enfants. Son père est capitaine armateur et sa mère née Marguerite Boscher appartient à la bourgeoisie marchande de la ville. Elle reprend l’armement familial à la mort de son mari en 1687 avec son fils aîné Luc Trouin de la Barbinais qui lui succèdera. Destiné à la prêtrise, René poursuit des études jusqu’à l’âge de 16 ans où il obtient d’embarquer comme volontaire sur le corsaire la Trinité de 150 tonneaux et 18 canons. Victime du mal de mer, il persévère dans ses choix maritimes et reçoit son premier commandement en avril 1692 sur le Danycan, une médiocre frégate morutière appartenant à sa famille. En dépit d’une campagne bredouille il reçoit un meilleur navire et remporte ses premiers succès. De 1689 à 1711, René participe ou dirige environ 80 combats, ce qui est exceptionnel car les corsaires cherchaient plus à faire des prises qu’à recevoir les boulets ennemis, cet acharnement à combattre l’ennemi attirera l’attention de Louis XIV qui le fera entrer dans la marine royale comme Jean Bart. La plupart de ces combats sont décrits dans ses Mémoires qu’il faut cependant lire en s’entourant des précautions d’usage face à ce genre hagiographique. Trois périodes caractérisent la vie de Duguay-Trouin le corsaire (1689-1697), capitaine et officier supérieur dans la marine royale (1697-1713), les commandements à terre et les derniers armements (1713-1736).

Duguay-Trouin le corsaire (1689-1697)

À la différence de Dunkerque, Saint-Malo est une ville riche qui va surtout armer des frégates de 150 à 400 tonneaux et faire des armements mixtes avec le roi de navires de guerre. Alors qu’un Jean Bart commence par un navire de 30 tonneaux et obtient des frégates de 150 tonneaux puis 300 tonneaux par ses campagnes, René commence par une frégate de 200 tonneaux, deux ans plus tard c’est une frégate de 400 tonneaux affrétée par le roi. Pour financer de tels investissements, il faut affronter les convois fortement escortés et René est capturé après un brillant combat en 1694. Comme Jean Bart, il s’évade d’Angleterre. Son frère lui confie le François de 48 canons avec lequel il s’empare de 6 marchands et deux vaisseaux de guerre. Il poursuit ses succès ce qui lui vaut en 1696 de commander une division de trois navires avec laquelle il attaque un convoi hollandais escorté par l’amiral Wassenaer. La capture de l’amiral et d’une partie du convoi aux prix de nombreux morts et blessés dans les deux camps vaut à René d’être incorporé dans la marine royale à 24 ans comme capitaine de frégate légère, le même grade que Jean Bart. Comme ce dernier, Duguay-Trouin fidélise ses équipages par  ses succès qui donnent lieu à de riches parts de prises et obtient qu’ils affrontent le feu de l’ennemi.

Capitaine et officier supérieur dans la marine royale (1697-1712)

Comme Jean Bart, Duguay-Trouin va conquérir un par un ses promotions par ses succès. Après une croisière de frégates sans succès aux Shetlands en 1702, il retrouve le commandement d’un vaisseau de 58 canons dans un armement mixte entre le roi et un armement d’armateurs malouin dirigé par son frère. Il rançonne ou capture près de 30 baleiniers hollandais. René va accomplir l’essentiel de ses missions dans des croisières où le roi apporte les vaisseaux et les Malouins financent les expéditions avec des résultats variables ; néanmoins il est nommé capitaine de vaisseau le 1er novembre 1705. En 1707, avec Forbin, il s’empare de près de 60 marchands anglais mais accuse Forbin de ne pas l’avoir soutenu. Il est anoblie en 1709 avec son frère pour s’être emparé de plus de 300 marchands et 20 vaisseaux de guerre ennemis ». Son dernier et plus grand exploit est la prise de Rio de Janeiro en 1711 qui rapporte 92% de bénéfices et amène la suspension des hostilités en 1712.

Les commandements à terre et derniers armements 1713-1736

Duguay-Trouin est nommé chef d’escadre en 1715, puis siège au Conseil des Indes en 1723. Commandeur de l’ordre de Saint-Louis, il est promu lieutenant général des armées navales en 1728, Il reprend la mer en 1731 pour bombarder Tripoli et obtenir la libération de milliers d’esclaves chrétiens. Il est pressenti pour armer l’escadre réunie en Baltique pour soutenir le roi de Pologne, expédition annulée. Il meurt le 27septembre 1736 à Paris. Chef d’une audace et d’une énergie exceptionnelle, comme Jean Bart, il n’a jamais eu l’occasion de commander des escadres en bataille navale.

À lire :

Patrick Villiers Marine royale, corsaires et trafic dans l’Atlantique de Louis XIV à Louis XVI, Lille, 1992.

Patrick Villiers, Les corsaires, Gisserot, Paris, 2005.

Patrick Villiers, Traite des noirs et navires négriers au XVIIIe siècle, Nice, Ancre, 2021.

Patrick Villiers, Les Saint-Philippe et les vaisseaux de 1er rang de Louis XIII à Louis XIV, Nice, Ancre, 2018.

Patrick Villiers, Les combats de Jean Bart par Pierre Ozanne, Nice, éditions Ancre, 2017

Crédits photos :

Illustration de la page d’accueil : La Rafale, Willem Van de Velde Le Jeune, vers 1680 © WikiCommons/Rijksmuseum (Amsterdam)

Illustration du chapô : Portrait de René Duguay-Trouin par Antoine Graincourt, XVIIIe siècle © WikiCommons/Musée de la marine

Illustration de l’article : Plan et profil de Saint-Malo, fait par Aveline vers la fin du XVIIe siècle ou le début du XVIIIe siècle © Gallica/BnF

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