Si chaque acteur ou actrice trouve une fois dans sa carrière le rôle qui cristallise son image, qui fait résonner une part de sa vérité en même temps que son aura singulière, le personnage de Mathilde, résistante dans L’Armée des ombres, pourrait être celui de Simone Signoret. Elle y incarne une femme mûre, organisant tranquillement les expéditions les plus risquées contre la gestapo, suscitant par ses engagements l’admiration de ses amis autant que leur affection, engageant les autres par son seul exemple à plus de conscience et de courage. L’autorité de l’actrice est toute entière dans ce portrait, sa chaleur, son exigence morale, son professionnalisme. Jusqu’aux scènes de déguisements, dans lesquelles elle se grime et cherche des personnages, et dans lesquelles elle retrouve, entre autres, les attributs des prostituées qui ont marqué ses débuts éblouissants, de Dédée d’Anvers à Casque d’or en passant par La Ronde. Un clin d’œil de Jean-Pierre Melville à la carrière déjà mythique de celle qui, d’un voyage provocateur en URSS à la reconnaissance (rarissime pour une actrice française) d’un Oscar à Hollywood, eut dans le monde entier un statut de star.