Naissance de Pontus de Tyard

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Par Claus-Peter Haverkamp, membre titulaire de l’Académie de Mâcon, auteur de Pontus de Tyard (1521-1605), Un Curieux dans son siècle…


On s’accorde pour situer la naissance de Pontus de Tyard en 1521 dans le château familial de Bissy-sur-Fley en Saône-et-Loire. Il a fait des études à Paris dès 1537, certainement en théologie, incluant notamment les Arts Libéraux. Son instruction était excellente, et il fera preuve d’un savoir encyclopédique.

Un humaniste…

Il allait briller dans toutes les matières scientifiques de son époque ! En 1553, dans l’acte de mariage de son frère Claude, auquel Pontus assiste comme témoin, il est qualifié de ‘scientifique personne’. Il n’est donc pas étonnant que deux rois, Henri II et Charles IX, l’appellent à la cour comme professeur en astronomie et en mathématiques et qu’Henri IV s’adresse à lui pour l’instruire dans la foi catholique au moment de sa conversion…

Tyard fut un homme de dialogue et de tolérance, qui se distinguait par sa fidélité inébranlable à la royauté. Mais il sut se placer au-dessus des événements pourtant dramatiques de son époque. Détestant toute forme de haine et de violence, il aimait se retirer du monde et choisissait alors comme devise une citation de Cicéron : SOLITUDO MIHI PROVINCIA EST, disant comme lui « La solitude m’est imposée ».

…touche-à-tout…

L’œuvre poétique de Pontus de Tyard porte l’empreinte et l’influence de Platon, de Pétrarque et de la mythologie. On y trouve aussi l’idéal humaniste, teinté de foi. Mais dans ses Erreurs Amoureuses et autres livres poétiques, Tyard a toujours quelque chose de personnel à dire, se détachant de tout modèle. Pour lui, la poésie n’est pas un but en soi, mais elle joue un véritable rôle, celui du ravissement de l’âme, et pour cela elle est très étroitement liée à la musique. Le « Solitaire Second » de Tyard est la première œuvre consacrée à la musique écrite en langue française. Pour Tyard, l’harmonie poétique et musicale est symbolique de l’harmonie universelle, et la marche de l’Univers est considérée comme une harmonie musicale. Ce qui importe avant tout pour lui, ce sont les effets de la musique sur l’homme.

Pontus de Tyard n’était pas seulement un membre actif de l’Académie du Palais, créée en 1570 par Jean-Antoine de Baïf, il en était le penseur philosophique et le théoricien majeur ! Les préoccupations de l’Académie et les sujets traités dans ses « Discours philosophiques » se recoupent parfaitement. Nous savons par ailleurs qu’il avait réuni en son château une des plus riches bibliothèques du royaume.

Tyard se passionna très tôt pour l’étude du ciel, les mouvements des astres et les mathématiques. Dans son « Premier Curieux », il se félicite de la visite à Bissy de Peletier du Mans, venu pour « filozofer ensemble » et qui « apperceut Jupiter esclairant de raiz si lumineux que l’ombre apparoissoit. » Tyard possédait en effet les instruments nécessaires à l’observation du ciel nocturne, et il se tenait au courant de toute découverte et nouveauté, y compris celles de Copernic. Par contre il ne croyait pas du tout à l’astrologie, sujet qu’il a discuté vivement avec son cousin et voisin Guillaume des Autels dans son livre « Mantice ou Discours de la vérité de Divination par Astrologie».

…dans un contexte historique sous tension

Quand le roi Henri III nomma Tyard évêque de Chalon-sur-Saône en 1578, il avait besoin d’un homme irréprochable, avec deux exigences inséparables : une exigence ecclésiastique et une exigence monarchique. En la personne de son aumônier personnel, il disposait de l’homme idéal ! Pour Tyard, les chrétiens devaient s’entendre, par-delà toute barrière politique, sur les fondements du christianisme. Il est le seul évêque du XVIe siècle à avoir publié des Homélies. Il pensait vraiment pouvoir convaincre les protestants par tous ses arguments … !

La fin du XVIe siècle est une époque très mouvementée. Chalon est alors une espèce de microcosme de la France, où les différentes factions s’affrontent. Quand le roi réunit les Etats Généraux à Blois en 1588, Tyard est élu délégué du clergé. Après l’assassinat du Duc de Guise, son frère, le Duc de Mayenne, installe à Chalon des proches de la Ligue aux postes importants. Au retour des Etats en janvier 1589, ceux-ci empêchent l’évêque d’entrer dans sa ville, l’obligeant à se retirer à Bragny-sur-Saône.

Il y vivra désormais tranquillement parmi ses livres, étudiant et écrivant inlassablement, avant de s’éteindre le 23 septembre 1605, âgé de 84 ans. Il repose dans l’église paroissiale de Bragny.

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