Naissance de Louis XI

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Par André Vauchez, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres


Fils turbulent de Charles VII contre lequel il se révolta à deux reprises, Louis XI hérita d’une France délivrée de l’occupation anglaise, mais où le pouvoir du roi et la paix étaient gravement menacés. Ses débuts furent difficiles : son père le relégua en Dauphiné où il apprit les rudiments de l’administration et de la diplomatie, lorsqu’il négocia avec le duc de Savoie dont il devint l’allié. Les plus puissants feudataires du royaume étaient alors les ducs de Bourgogne, de Bretagne et d’Anjou, qui cherchaient à exercer leur autorité directement et sans partage sur leurs sujets.

La ruse et l’intrigue pour soumettre les « Grands »

Son règne, qui débuta en 1461, fut marqué par une longue lutte contre les « Grands ». Loin d’attaquer de front, le roi préférait négocier et distribuer de l’argent pour diviser ses adversaires, tout en nouant contre eux des intrigues tortueuses qui lui valurent le surnom d’ « universelle aragne » (araignée). C’est ainsi qu’il vint à bout des princes coalisés contre lui dans la Ligue du Bien public en 1465, puis mena contre Charles le Téméraire, duc de Bourgogne et maître des Pays Bas, une lutte sans merci qui ne s’acheva qu’avec la mort de ce dernier, devant Nancy, en 1477. Pour mieux contrôler la noblesse, Louis XI créa en 1468 l’ordre de Saint-Michel, dont les trente-huit membres issus de la haute aristocratie étaient astreints à une fidélité absolue envers le roi. Il réussit finalement à annexer au domaine royal de nombreuses régions comme le duché d’Alençon, l’Armagnac et le Roussillon ; en 1481, il hérita des biens de la Maison d’Anjou : le Maine, l’Anjou, le Barrois  et la Provence, ce qui allait lui permettre de mener une politique méditerranéenne, et il récupéra en 1482 les villes de la Somme, le Boulonnais et le duché de Bourgogne. À la fin de son règne, à quelques ilots près, le domaine royal et le royaume ne faisaient plus qu’un, pour la première fois depuis les origines de la dynastie capétienne.

Le royaume de Louis XI © Confins, « Genèse de la France » | OpenEdition

Louis XI et la fondation d’un État-nation

Ces succès furent acquis grâce au soutien des populations et aux ressources abondantes produites par les impôts devenus permanents, tout comme l’armée. Soucieux de s’appuyer sur les « bonnes villes » et leurs représentants contre les grands féodaux, il réunit les États Généraux en 1468 et 1470 et obtint d’eux d’importantes concessions sur le plan financier. Très simple dans ses manières et son vêtement, il était naturellement ami des gens de « moyen état », c’est-à-dire de la bourgeoisie urbaine et de la petite noblesse, qui le soutinrent dans son combat contre les Grands. Il encouragea les initiatives destinées à la reconstruction économique du royaume et contribua à faire de la Touraine le centre de gravité de la monarchie française en se retirant , quand il tomba malade en 1480, au  château de Plessis-lez-Tours. Louis XI a déployé une activité inlassable et développé une administration efficace et une justice impitoyable qui font de lui un précurseur de l’absolutisme monarchique. Religieux jusqu’à la superstition, il restaura et embellit de nombreuses églises, en particulier celle de Notre-Dame de Cléry, près d’Orléans, où il se fit enterrer, au lieu de rejoindre ses ancêtres à Saint-Denis. Auparavant,  il avait fait venir en France un ermite, François de Paule (Paola, en Calabre), qui l’aida à mourir pieusement en 1483, et il favorisa son action pour implanter dans le royaume l’ordre des Minimes, dont le saint homme  était le fondateur.

Récits d’un règne, entre légende noire et distance historique

Ce personnage fascinant a ouvert la voie à d’amples développements de l’imaginaire à l’époque romantique, depuis le théâtre jusqu’à la production littéraire. Sa personnalité complexe et son règne agité, mais fécond, illustrent bien le passage du Moyen-Âge à la Renaissance. Par la suite, une légende noire s’est développée autour de sa personne, en mettant l’accent sur la fourberie et la cruauté de ce roi qui enfermait ses ennemis dans des cages de fer. Mais, aux XIXe et XXe siècle, les historiens l’ont réhabilité en raison de son sens politique et diplomatique et de sa contribution importante à la construction en France d’un État centralisé.

À lire :

Amable Sablon du Corail, Louis XI ou le joueur inquiet, Paris, Belin, 2011

Lydwine Scordia, Louis XI, mythes et réalités, Paris, Ellipses, 2015

Paul Murray Kendall, Louis XI “l’universelle araigne”, Paris, Fayard, 1971

 

Crédits photos : 

Illustration de la page d’accueil : Illustration extraite d’un livre pour la jeunesse : G. Montorgueil, Louys XI, illustrations de Job, Paris, Combet, 1905, p. 55. © Gallica/BnF

Illustration du chapô : Portrait de Louis XI, Jacob de Littemont (vers 1469) © WikiCommons

Illustration de l’article : Entrée de Louis XI à Paris, panneau décoratif à l’Hôtel de Ville de Paris © Paris Musées | Musée Carnavalet – Histoire de Paris

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