Naissance de Louis Pasteur

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Par Pascale Cossart, biologiste, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie des sciences, co-organisatrice du colloque « Pasteur, un visionnaire »


Louis Pasteur est l’un des hommes les plus réputés de France. Chimiste de formation, il est à l’origine des plus grandes révolutions scientifiques du XIXe siècle dans les domaines de la biologie, de l’agriculture, de la médecine et de la santé, démontrant que la formation initiale d’un chercheur est importante, mais que travail, ouverture d’esprit, choix des projets et présentation des résultats aux collègues et au public sont des composantes indispensables au succès et à la renommée. Pasteur non seulement faisait des découvertes, mais il savait les faire connaitre et même convaincre que ses découvertes étaient le fruit de son génie. Il n’avait pas peur de heurter des non convaincus, ce qu’il faisait parfois avec un aplomb et une assurance qui lui ont été reprochés. Beaucoup étaient agacés et même jaloux de cette personnalité si inhabituelle qui sans scrupule recherchait la gloire et ne s’en cachait pas vraiment. Par exemple, il rêvait d’être élu à l’Académie des sciences. Ainsi l’avait-il depuis toujours choisie comme le lieu privilégié de divulgation de ses résultats : il y fut élu très jeune, à l’âge de 40 ans. Il en avait 51 lorsqu’il entra à l’Académie de médecine et 60 lorsqu’il fut élu à l’Académie française.

De la chimie à la biologie

Fils de tanneur, Pasteur est né à Dole dans le Jura le 27 décembre 1822, puis a grandi à Arbois, dans une maison dont les pieds baignaient dans la rivière appelée La Cuisance. Après le décès de ses parents, Pasteur passait tous ses étés dans cette maison dont a hérité l’Académie des sciences. La maison natale de Dole et la maison d’Arbois sont aujourd’hui des musées dédiés à cet immense savant.

Pasteur le chimiste comprend d’abord, en examinant des cristaux, que les molécules sont des objets à trois dimensions et que des molécules constituées des mêmes atomes, liés par les mêmes liaisons, peuvent exister sous plusieurs formes ne différant que par la position des atomes dans l’espace. Ceci est déjà un énorme résultat. Il montre ensuite que les molécules provenant du monde vivant n’existent que sous une seule forme. Pasteur devient biologiste !

Théorie des germes contre « génération spontanée »

Une autre période commence alors : venant au secours des producteurs d’alcool, de vinaigre, de vin, et de bière, qui font face à des problèmes de production et de conservation, il montre que les fermentations qui sont à la base de leurs productions sont dues à des microorganismes et que les problèmes rencontrés sont dus à des contaminations par de « mauvais » microbes, dont on peut se débarrasser par ce qu’on appellera la « pasteurisation ». La réputation de Pasteur devenue nationale devient alors vite internationale ou du moins européenne.

Pasteur montre ensuite que les microbes sont partout, notamment dans l’air et qu’ils sont à l’origine de ce que beaucoup imaginent être une « génération spontanée ». Il réfute cette théorie de la génération spontanée pour imposer la théorie des germes, théorie qui va l’amener à élargir ses études. En effet, il commence à s’intéresser aux maladies infectieuses, d’abord aux maladies des animaux depuis les vers à soie jusqu’aux moutons et ensuite aux maladies humaines. Il confirme que beaucoup de maladies sont dues à des microbes et démontre qu’on peut s’en protéger efficacement par l’hygiène et les éviter durablement grâce aux vaccins.

L’Institut Pasteur : une ambition universaliste

Le succès du vaccin contre la rage conduira au lancement d’une souscription qui permettra la création d’un institut dédié à la recherche, aux soins et à l’enseignement : l’Institut Pasteur. Pasteur enverra plusieurs de ses collaborateurs dans différents pays même lointains, essaimant ainsi ses convictions et ses projets au niveau planétaire.

Pasteur a donc abordé différents domaines, passant de la chimie à la biochimie et à la biologie du vivant, dans des conditions normales ou pathologiques.

Ce qui frappe, c’est l’envergure croissante qu’ont pris les intérêts scientifiques de ce grand homme. Comme le remarquait Bruno Latour, Pasteur s’intéressait en début de carrière à des cristaux de tartrate et de paratartrate ouvrant une nouvelle discipline, la stéréochimie, et termina sa vie en vaccinant des populations venues du monde entier et en envoyant ses collaborateurs sur tous les continents .

Ce qui frappe aussi, ce sont ces permanents allers et retours du fondamental vers des problèmes concrets, ou au contraire des problèmes concrets à des découvertes fondamentales.

Ce qui frappe enfin, c’est l’effet énorme que les travaux de Pasteur ont eu sur la société. Celle-ci en a été véritablement transformée. Comme en conclut Bruno Latour, Pasteur est un remarquable sociologue et un fin politique puisqu’il parvient littéralement à ajouter les microbes au corps social.

À lire :

Maxime Schwartz, Annick Perrot, Louis Pasteur le visionnaire, Le catalogue officiel de l’exposition du Palais de la Découverte, Paris, Éditions de La Martinière, 2018

Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes, Paris, Éditions La Découverte, 2011

Patrice Debré, Louis Pasteur, Paris, Flammarion, coll. « Champs biographie », 2010

Pascale Cossart, Fabrice Hyber, Le Monde invisible du vivant, Paris, Odile Jacob, 2021

Crédits photos :

Illustration de la page d’accueil : Huile sur toile d’Albert Edelfelt réalisée en 1886 montrant Louis Pasteur dans son laboratoire de l’Ecole normale supérieure en 1885 tenant un flacon contenant de la moelle épinière d’un lapin inoculé par le virus de la rage. Tableau exposé au Musée Pasteur, grande salle à manger de l’appartement de Louis Pasteur © Institut Pasteur /Musée Pasteur

Illustration du chapô : Joseph Meister et sa petite-fille devant le buste de Louis Pasteur par Naoum Aronson à l’Institut Pasteur vers 1935 © Institut Pasteur / Musée Pasteur

Illustration de la notice générale : Détail de la mosaïque de la crypte où repose Louis Pasteur : Jean-Baptiste Jupille luttant contre un chien enragé © Institut Pasteur / Musée Pasteur

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