Mort du Régent Philippe d’Orléans

RETOUR AU DOSSIER

Par Alexandre Dupilet, agrégé et docteur en histoire


De Philippe II d’Orléans, souvent désigné comme « le Régent », la postérité a surtout retenu la légende du prince libertin, amateur de fêtes décadentes et grivoises, à l’image du personnage joué avec talent par Philippe Noiret dans Que la fête commence. Si cette mythologie renferme une part de vérité, elle occulte encore l’œuvre politique d’un habile gouvernant qui sut garantir la continuité du pouvoir.

Un prince artiste, intrépide et rebelle

Né en 1674, celui qu’on appelait alors le duc de Chartres était le fil de Monsieur, frère du roi, et de Madame, princesse Palatine. Arrière-petit-fils d’Henri IV, petit-fils de Louis XIII, il était le neveu du Roi-Soleil. Par son rang à la Cour, le duc de Chartres était destiné au métier des armes. C’est en effet en tant que militaire que le prince s’illustra dans un premier temps. Il se fit remarquer par son intrépidité et sa bravoure lors des batailles de Steinkerque (1692) et de Neerwinden (1693). Plus tard, durant la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), il contribua à reconquérir le royaume d’Espagne, gouverné par le roi Philippe V, petit-fils de Louis XIV. Le duc de Chartres ne brillait pas que sur les champs de bataille. Prince artiste, il était un peintre et un musicien accompli. Il composa plusieurs opéras. Il était également passionné de sciences et une fois devenu duc d’Orléans, à la mort de son père en 1701, il fit installer en son Palais-Royal l’un des laboratoires de chimie les plus modernes d’Europe. Mais cette personnalité brillante et originale était aussi rebelle dans l’âme. Philippe ne cachait pas son scepticisme envers la religion. D’un naturel impétueux, il collectionnait les conquêtes et avait une faiblesse pour les danseuses de l’Opéra. Les rumeurs les plus folles couraient sur les petits soupers qu’il organisait au Palais-Royal. Il fut enfin mêlé à des scandales : sa passion pour la chimie lui valut à plusieurs reprises l’accusation d’empoisonneur. Louis XIV se méfiait de ce neveu encombrant, auquel il refusa à plusieurs reprises les commandements militaires tant convoités.   

Réformes politiques et diplomatie

Rien ne prédisposait donc Philippe d’Orléans à gouverner. Mais les circonstances – le décès du Grand-Dauphin, fils de Louis XIV, du duc de Bourgogne, petit-fils du Grand Roi puis de Louis XIV lui-même – firent qu’en 1715, alors que Louis XV n’était âgé que de cinq ans, il devint Régent du royaume. La France se trouvait dans une situation difficile. Le pays sortait épuisé de la Guerre de Succession d’Espagne. Le prince mit en place de nombreuses réformes. Il rendit aux Parlements le droit de remontrances, autrement dit le pouvoir de discuter les édits. Il amenda l’organisation ministérielle louis-quatorzienne en remplaçant les secrétaires d’État par des conseils, mesure connue sous le nom de polysynodie, qui permit à la noblesse de Cour de revenir sur le devant de la scène. Sur le plan diplomatique, influencé par son ancien précepteur l’abbé Dubois, il rompit, du moins dans un premier temps, avec la traditionnelle alliance espagnole, pour faire de l’Angleterre son alliée privilégiée. En 1717, La Triple Alliance, qui incluait les Provinces Unies, fut conclue. L’année suivante, le Régent signa la Quadruple Alliance avec le Saint-Empire. Enfin, après une guerre rapide contre l’Espagne en 1720, il réussit le tour de force d’intégrer le royaume de Philippe V d’Espagne dans le système d’alliances, assurant ainsi la paix en Europe. Il consolida l’État central, créant par exemple le corps des ingénieurs des ponts et chaussées, chargés de la surveillance des travaux dans le royaume. Mais la grande innovation de la Régence fut le système de Law, du nom de John Law, qui conçut cette réforme, première tentative d’émission en France de papier-monnaie. Le système s’acheva par une banqueroute retentissante mais permit à la France d’effacer une partie de sa dette et de relancer le commerce.

Philippe d’Orléans, l’héritier de Louis XIV

Ce tourbillon de mesures décidées par le Régent, ainsi que son image de contestataire, a pu parfois faire penser que le prince était un libéral qui avait vocation à réformer la monarchie absolue. Il n’en était rien. Son dessein était avant tout de défendre et de maintenir l’autorité royale, y compris en empruntant des chemins détournés si cela était nécessaire. Il était indispensable de mener une politique de compromis pour juguler les tentatives de fronde princière, habituelles durant les Régences, moments classiques de fragilité du pouvoir royal. Lorsque le Régent mourut subitement le 2 décembre 1723, le royaume était en paix. L’activité économique était relancée et l’autorité royale consolidée. Un vent de nouveauté soufflait alors sur la France et le règne de Louis XV commençait sous les meilleurs auspices. Héritier de Louis XIV, Philippe d’Orléans inaugura avec brio le Siècle des Lumières.  

À lire :

Alexandre Dupilet, Le Régent. Philippe d’Orléans, l’héritier du Roi-Soleil, Paris, Tallandier, 2020 

Alexandre Dupilet, La Régence absolue – Philippe d’Orléans et la polysynodie (1715-1718), Ceyzérieux, Éditions Champ Vallon, 2013

Thierry Sarmant, Le Régent. Un Prince pour les Lumières, Paris, Perrin/BnF Éditions, 2023

Crédits Images 

Illustration de la plage d’accueil : Portrait de Philippe d’Orléans par Jean-Baptiste Santerre 1710-1717 ©Wikimedia Commons / Birmingham Museum and Art Gallery

Illustration du chapô : Régence du duc d’Orléans 1716 ©Wikimedia Commons

Illustration de l’article : Louis XV sortant du lit de justice tenu au parlement le 12 septembre 1715 par Pierre-Denis Martin © Wikimedia Commons / Musée Carnavalet.

Illustration en bas de page : Louis XV enfant par Hyacinthe Rigaud 1716-1724 © Met Museum

 

 

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut