Mort de Pablo Picasso

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Par Laurence Madeline, conservatrice en chef du patrimoine, directrice des musées de Besançon, spécialiste de Picasso


Pablo Picasso est né à Málaga le 25 novembre 1881. Son père enseigne à l’académie de la ville andalouse et forme très tôt son fils aux techniques du dessin et de la peinture. Cette formation précoce est approfondie à l’académie de La Corogne, puis à celle de Barcelone où Don José Ruiz obtient un poste en 1894. Sa première grande composition, Science et charité (Barcelona, Museu Picasso), reçoit une mention honorable à l’exposition générale des Beaux-Arts de Madrid, et la médaille d’or de l’exposition de Málaga. À l’âge où naissent les vocations artistiques, Picasso maîtrise ainsi totalement son art, a un temps d’avance sur la plupart de ses camarades et le conservera toujours.

Paris 1900, capitale des arts

Dès la fin de l’année 1900, il tente de s’implanter à Paris, capitale des arts, en compagnie de camarades catalans. Son tableau, Derniers moments, sur lequel il peindra La vie en 1903 (Cleveland Museum of Art), est accroché à l’Exposition universelle.

L’entreprise est difficile et il lui faudra plusieurs années pour trouver sa place. Cependant, dès le printemps 1901, il peut exposer dans la prestigieuse galerie d’Ambroise Vollard. Il a travaillé comme un fou pour cet événement, produisant des toiles brillantes, très marquées par le postimpressionnisme, bien accueillies, mais dans lesquelles quelques critiques relèvent les multiples influences que subit le jeune peintre.

Aux couleurs rutilantes, aux sujets urbains et modernes qu’il emprunte aux Postimpressionnistes, il substitue bientôt les toiles misérabilistes de la période bleue. Enfin à l’aise à Paris, il fait la connaissance de Max Jacob puis de Guillaume Apollinaire et de leur cercle d’écrivains d’avant-garde, et aussi de Gertrude et Leo Stein, deux Américains qui s’intéressent aussi à lui. Les Saltimbanques (Washington, National Gallery), achetés par un consortium de collectionneurs, marque la fin de cette période de tâtonnements. Picasso a alors fédéré autour de lui des amis qui sont aussi des critiques, des amateurs, des marchands, des collectionneurs. Fermement soutenu par de solides amitiés, Picasso peut se lancer dans sa prodigieuse ascension.

Et le cubisme fut !

Au cours de l’été 1906 qu’il passe en Espagne, il se débarrasse de ses mendiants faméliques et opère un mouvement vers quelque chose d’essentiel, d’antique, de sculptural, de primitif et de classique, « la période rose ».

Et puis, en 1907, il ose tout casser, introduire l’influence nouvelle des arts primitifs et représenter un sujet subversif, une maison close aux femmes provocantes : Les Demoiselles d’Avignon (New York, MoMA).

Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso (1907) © Succession Picasso/DACS, London 2023 / Bridgeman Images

Picasso ne peut plus être comparé à aucun autre peintre.

Le Douanier Rousseau, Paul Cézanne l’intéressent cependant, dans une suite de paysages qui le conduisent à peindre, à l’été 1909, des vues du village de Horta de Ebro. Gertrude Stein affirme que c’est là que Picasso crée le cubisme. Soutenu par son nouveau marchand, Daniel-Henry Kahnweiler, par un groupe de collectionneurs, épaulé par Georges Braque, Picasso est libre de tout inventer :  l’introduction de lettres, de mots sur les toiles, la décomposition des formes jusqu’aux limites de l’abstraction, les papiers collés, les tableaux reliefs, la sculpture…

Une œuvre en permanente évolution

L’éclatement de la Première guerre mondiale pèse sur son travail. Il trouve cependant une géniale échappatoire en fournissant aux Ballets russes des costumes et des décors de scène. C’est Parade en 1917, et c’est une autre révolution.

Dès lors, la production de Picasso se construit selon une redoutable continuité. Il mêle, magistralement, des poussées de classicisme, d’influences de maîtres anciens ou modernes, un attachement constant au cubisme et des pulsions véhémentes, chargées d’érotisme et de secousses. En 1932, alors qu’a lieu sa première rétrospective qui officialise sa suprématie sur l’art moderne, les critiques formulent cette idée persistante d’un artiste « caméléon », qui change de style comme on changerait de chemise, qui subit les influences les plus variées, les plus paradoxales.

Pourtant, Picasso tourne sans cesse autour de quelques rares sujets – nus, têtes de femmes ou d’hommes, pastorales, paysages, peintre et modèle, ateliers … – qu’il revisite infiniment selon des constructions et déconstructions qui relèvent toujours du cubisme en permanente évolution.

D’ailleurs, lorsque le gouvernement de la République espagnole lui commande une grande toile pour le pavillon de l’Exposition universelle de 1937, il pense d’abord à peintre un atelier. Le bombardement de Guernica réoriente complètement son travail, Picasso peint Guernica (Centro de Arte Reina Sofia, Madrid) et devient le paradigme de l’artiste engagé. Son adhésion au Parti communiste français au sortir de la Seconde Guerre mondiale qu’il a passée dans un Paris occupé, confirme la dimension politique de son œuvre.

Le maître de l’art moderne

Installé sur la Côte d’Azur à partir de 1947, Picasso réinvente la poterie, revisite les maîtres – Delacroix, Manet, Poussin, Velasquez, etc. -, et sa production se met au diapason des « trente glorieuses » : sa productivité s’accroit vertigineusement, il multiplie les moyens d’expression – film, affiches, objets multiples – il devient un personnage public.

Dans un monde globalisé, il atteint une gloire universelle, à laquelle aucun autre peintre n’a pu prétendre.

Picasso décède le 8 avril 1973 dans son mas de Notre-Dame-de-Vie à Mougins. Il veille à la création d’un musée Picasso à Barcelone et laisse un héritage colossal qui permet celle du musée national Picasso de Paris.

À lire : 

Philippe Dagen, Picasso, Paris, Hazan, 2011

Laurence Madeline, Marie-Thérèse Walter & Pablo Picasso. Biographie d’une relation, Paris, Nouvelles éditions Scala, 2022

Laurence Madeline, Picasso. 8 femmes, Paris, Hazan, 2023

Catégorie beaux-livres :

Philippe Dagen, Picasso Monographie, Paris, Hazan, 2008

Laurence Madeline (dir.), Picasso 1932, Catalogue de l’exposition « Picasso 1932. L’année érotique. », RMN, 2017

Minotauromachie, Pablo Picasso (1935) © Ashmolean Museum / © Succession Picasso/DACS, London 2023 / Bridgeman Images

Crédits photos : 

Illustration de la page d’accueil : Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso (1907) © Succession Picasso/DACS, London 2023 / Bridgeman Images 

Illustration du chapô : Pablo Picasso en 1962 © WikiCommons

Illustration de l’article : Minotauromachie, Pablo Picasso (1935) © Ashmolean Museum / © Succession Picasso/DACS, London 2023 / Bridgeman Images 

 

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