Mort de Benvenuto Cellini

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Par Marc Bormand, Conservateur général au département des Sculptures, Paris, Musée du Louvre


 
Paradoxalement, l’un des plus grands sculpteurs de la Renaissance est plus célèbre pour sa vie aventureuse que pour ses chefs-d’œuvre. Cela est lié à ses mémoires, rédigées entre 1558 et 1562, où l’artiste, s’il dit s’en tenir à « la pure vérité », se donne toujours le beau rôle. Edité à Naples en 1728, paru en France en 1822, ce récit picaresque où se côtoient épisodes dignes d’un roman de cape et d’épée et récit de sa production artistique connait un succès ininterrompu, en particulier en France au XIXe siècle, où il apparait aux côtés de Jean Goujon et de Germain Pilon dans la fresque de Paul Delaroche dans l’Hémicycle de l’École des Beaux-arts de Paris (1836- 1841). Mais l’œuvre qui fait le plus pour la gloire de l’artiste est l’opéra-comique d’Hector Berlioz, joué pour la première fois le 10 septembre 1838 à l’Opéra Lepeltier à Paris. Cellini est représenté comme un artiste de génie, incompris, mêlé aux intrigues romaines, créateur flamboyant aux prises avec la fonte d’une statue monumentale.
Un artiste de talent au tempérament fougueux

Né à Florence en 1500, Cellini reçoit une formation d’orfèvre, lui permettant d’acquérir les fondements du dessin et de l’invention décorative. Dès sa jeunesse, un caractère ardent et violent, qu’il conservera toute sa vie, l’oblige à de multiples fuites qui le mènent à Sienne, à Pise ou à Rome. Cela ne l’empêche pas de poursuivre une carrière parmi les plus glorieuses du XVIe siècle.  A Florence, puis à Rome, il exécute des pièces d’orfèvrerie, aiguières, médailles, sceaux pour de puissants commanditaires, dont un fermail et des médailles pour le pape Clément VII ou une médaille de l’humaniste Pietro Bembo.

C’est à la suite du puissant cardinal Hippolyte d’Este que Cellini arrive en 1540 à Fontainebleau, à la Cour du roi François Ier, grand amateur d’art italien de la Renaissance.  En France, Cellini reçoit d’abord la commande de douze statues de dieux et de déesses en argent qui devaient servir de flambeaux pour la table royale. Le roi lui accorde l’usage d’un atelier à Paris, au château du petit Nesle, face au Louvre, à l’emplacement actuel de l’Institut de France. À son départ en 1545, seul un Jupiter est achevé. Au poste d’« orfèvre du roi », Cellini, après avoir exécuté une aiguière et un bassin pour Hippolyte d’Este qui en fit présent au roi, reçoit de ce dernier la commande d’une salière en or émaillée. Achevée en 1543, ce chef-d’œuvre absolu de l’orfèvrerie (Vienne, Kunsthistorisches Museum) place face à face les figures de la mer (Neptune) et de la terre (Ops), avec un petit temple dorique pour le poivre et une barque pour le sel, entourés d’un ensemble d’animaux réels ou mythologiques.

En 1542, le roi lui commande un grand relief (Musée du Louvre) pour la Porte dorée du château de Fontainebleau. Le projet comprenait deux Victoires hélas disparues depuis le XIXe siècle, et deux satyres monumentaux connus par des modèles en bronze, qui accentuaient le caractère triomphal de cette porte. Il présente sous la forme d’une nymphe, la Fontaine de Bleau, du nom du chien qui l’avait découverte dans la forêt. Adoptant les canons du maniérisme, le corps féminin puissant et sensuel, contraste avec la profusion de détails naturalistes (le « style rustique ») d’animaux variés. L’œuvre, jamais mise en place, était destinée au château d’Anet.

Retour en Italie au sommet de sa gloire artistique 

À son retour à Florence en 1545, Cellini démontre à nouveau sa force créative en réalisant pour le nouveau seigneur de Florence le grand-duc Cosme Ier son chef-d’œuvre, une statue monumentale de Persée en bronze. L’œuvre dévoilée en 1554 dans la loggia des Lanzi sur la place de la Seigneurie, fit l’objet de maintes louanges. Avec ce nu masculin vigoureux et gracieux, il cherche à égaler le David de Michel-Ange, en créant un corps héroïque au canon élancé. Cette maîtrise du bronze, Cellini la démontre également dans le somptueux buste de Cosme Ier de Médicis, doté d’une armure finement ciselée, auquel l’artiste a souhaité donner « l’ardeur et le mouvement de la vie » (Florence, musée national du Bargello, 1545-1547). Cellini exécuta également plusieurs statues en marbre, dont un Apollon et Hyacinthe et un Narcisse, éphèbe aux lignes harmonieuses et souples (Florence, musée national du Bargello). Dans son dernier chef-d’œuvre, issu d’une vision, un Crucifix monumental (1557-1562) (monastère de l’Escurial) destiné à l’origine à sa propre tombe, Cellini déploie tout son talent, reprenant dans un seul bloc de marbre de Carrare le mode de taille de Michel-Ange, son grand modèle. La continuité du modelé et sa virtuosité lui permet de mettre en valeur tant la fragilité du corps que l’émotion du visage. Avant de mourir en 1571, il publie en 1568 un important Traité de l’orfèvrerie et de la sculpture.   

 

À lire :

John Pope-Hennessy, Benvenuto Cellini, traduit de l’anglais par Dominique Le Bourg, Paris, Hazan, 1985.

Benvenuto Cellini, Traité de l’orfèvrerie et de la sculpture, Paris, énsba, 1992.

La Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même, nouvelle traduction de Nadine Blamoutier sous la direction d’André Chastel, Paris, Éditions Scala, 1986.

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