Napoléon Bonaparte et l’Institut : de l’alliance au conflit ?

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Les premiers intellectuels de l’Institut vus par Jean Tulard

Retransmission de la séance de l’Académie des sciences morales et politiques, 17 octobre 2011

La communication de Jean Tulard, intitulée « Quand les premiers intellectuels appartenaient à l’Institut ! » commence par la simple énumération de quelques noms de membres de l’Institut national des Sciences et des Arts de 1799, David, Monge, Volney, Sieyès, Talleyrand, pour mieux montrer à quel niveau se situait, dès la fin de la Révolution, le “Parlement des savants”. Parmi eux, des “idéologues” que Napoléon décida d’éliminer rapidement de l’Institut. La difficile ascension des sciences sociales…
 
 
Jean Tulard présente avec brio l’histoire des Académiciens disparus, éliminés par le pouvoir impérial. Une génération intellectuelle qualifiée en leur temps d’idéologues : les premiers à avoir voulu imposer leurs idées au pouvoir politique. Ils auraient pu continuer à se faire entendre si l’Institut avait continué à ne former qu’un seul corps, nous dit Jean Tulard. Mais il fut partagé au fil de l’histoire, en cinq Académies : l’Académie française, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts, l’Académie des inscriptions et belles lettres et l’Académie des sciences morales et politiques.
 

Les “Idéologues », héritiers des Lumières avaient pour ambition de« donner aux sciences sociales la même solidité qu’aux sciences dites exactes et d’éliminer de la philosophie, de l’économie politique, de la politique tout court, toute influence d’une religion, d’une doctrine révélée. » Ils croyaient au progrès.

Élu en 1797 dans la classe de mécanique, le jeune et ambitieux général Bonaparte sut obtenir leur soutien, d’abord pour sa campagne d’Égypte, puis lors du coup d’État du 18 brumaire. Mais ce soutien, devenu une alliance, s’est mué en opposition « lorsque s’ouvrent les pourparlers en vue de la signature d’un concordat avec Rome ». L’historien raconte…La riposte du Premier Consul est radicale : en janvier 1803, il supprime la classe des sciences morales et politiques, celle des Idéologues, par le biais d’une réorganisation de l’Institut. Et Jean Tulard de conclure : « À travers les Idéologues, l’Institut est brisé par Bonaparte. Il perd la puissance qu’il avait lorsque Monge, Volney et David parlaient d’une seule voix. Certes les Idéologues conservent le Sénat, bien que noyés par les nouvelles nominations de Napoléon. Ils prendront leur revanche en avril 1814 lorsqu’ils proclameront la déchéance de Napoléon. Mais il est trop tard et ils vont perdre cet ultime bastion.

La résurrection en 1832 de l’Académie des Sciences morales et politiques n’y pourra rien. Les Idéologues sont emportés par le mouvement romantique, laminés, démodés, méprisés. Ils auront été pourtant les premiers intellectuels à vouloir imposer leurs idées aux politiques. Héritage de 1803, l’Institut de France est la juxtaposition de cinq académies autonomes et ne parlant pas d’une seule voix.
Que l’Institut national des sciences et des arts était beau en 1799 ! »

Pour en savoir plus :

– Jean Tulard, membre de l’Académie des sciences morales et politiques
– Texte de la communication de Jean Tulard, prononcée le 17 octobre 2011, devant ses confrères, lors de la séance hebdomadaire de l’Académie des sciences morales et politiques.

Crédits image :

Edouard Detaille, Napoléon Bonaparte sous la Coupole en habit d’académicien, 1803 © Institut de France

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