La cité idéale du duc de Richelieu

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Article de Marie-Pierre Terrien, docteur en histoire, auteure de plusieurs ouvrages sur Richelieu, dont Richelieu, sa cité idéale, son héritage (2021)


Au début du XVIIe siècle s’élevait dans le parc de Richelieu un petit château, édifié par les ancêtres du Cardinal. Attaché à la maison familiale où il a passé une partie de son enfance, Armand Jean du Plessis (1585-1642) décide vers 1625 de l’agrandir. En effet, en 1624 il est entré au Conseil du roi. La demeure de ses ancêtres ne correspond plus à sa nouvelle situation et son ascension politique le pousse à réaliser un projet ambitieux. En 1631, après l’érection de la seigneurie de Richelieu en duché-pairie, il obtient du roi l’autorisation de construire un bourg clos. À sa mort en 1642, la ville et son château sont quasiment terminés. La ville de Richelieu est construite dans un contexte bien précis : après la Journée des Dupes (10-11 novembre 1630), Louis XIII renouvelle sa confiance à son principal ministre. Il s’agit donc d’un concept spécifique de cité idéale, conçue comme une vitrine du pouvoir. Avec le château, la cité idéale de Richelieu forme un programme savant, qui célèbre la grandeur de la monarchie française.

Une cité idéale

Le cardinal-ministre incite la population à venir habiter sa ville par l’annonce de nombreux privilèges, la concession de terrains à bâtir, la création de foires et de marchés. La ville et le château sont baignés par le Mable, qui alimente les douves, et approvisionnés en eau potable grâce à la source de Bisseuil. C’est Jacques Lemercier qui est chargé de l’ensemble ville-château. Brillant architecte, il a passé plusieurs années à Rome. Tracé au cordeau, la ville de Richelieu est régie par les principes de l’unité architecturale, de l’axialité et de la symétrie. Son plan s’organise autour de deux places d’égale importance, nommées à cette époque Place Cardinale et Place Royale. Ainsi, la ville nouvelle doit montrer la réussite de ce bon gouvernement associé Louis XIII-Richelieu. Le roi favorise la construction de la ville, il paie douze maisons qu’il donne à son ministre par lettres patentes du mois d’octobre 1631.

La Grande Rue est bordée par vingt-huit hôtels particuliers, tous identiques. Larges de dix toises (environ vingt mètres), ils présentent un plan semblable, en dehors de quelques variantes. Cet axe principal, qui relie les deux places, sert de parcours ostentatoire pour le gouvernement du souverain et de son ministre. Les vingt-huit hôtels particuliers de la Grande Rue appartiennent en effet à des fidèles de Louis XIII et de Richelieu. Le terrain leur est donné. À charge pour eux de faire construire un hôtel particulier dans les deux ans qui suivent. Ces hôtels sont caractéristiques du style classique du début du XVIIe siècle. L’imposante porte cochère est dominée par un fronton, qui doit porter les armoiries de son propriétaire.

Un pôle administratif, judiciaire, culturel et religieux

Rapidement, la ville nouvelle supplante les principales localités de la région. Le grenier à sel de Loudun, l’élection de Mirebeau et la justice de Faye-la-Vineuse y sont transférés. Avec son Académie, sise Place Royale, la ville nouvelle de Richelieu doit être également un centre culturel majeur, qui rayonnera dans toute la région. L’enseignement y est prodigué en français pour les jeunes nobles.

La ville nouvelle doit être par ailleurs un centre de la Contre-Réforme catholique. Le cardinal de Richelieu ne persécute pas les protestants, il ne les contraint pas à abjurer et fait appliquer les règles de l’Édit de Nantes. Mais, en tant qu’homme d’Église, il veut regagner du terrain sur la religion réformée. Dans une région qui a été très marquée par les guerres de Religion, le Cardinal fait construire dans sa ville nouvelle une église imposante, qui doit montrer l’autorité ecclésiastique retrouvée. En 1638 il fait appel à Vincent de Paul, figure essentielle du renouveau spirituel au XVIIe siècle, chargé de fonder une mission. Sept prêtres lazaristes doivent raviver la foi du peuple et consolider le catholicisme dans la région.

Célébrer la grandeur de la monarchie française

Le château de Richelieu, qui constitue un chaînon essentiel dans l’histoire du château français, a malheureusement été détruit au début du XIXe siècle par un marchand de biens. Il est toutefois bien connu grâce à de nombreuses gravures et descriptions.

La galerie de peintures, longue de soixante-dix mètres, était située à l’étage de l’aile gauche. Elle proposait un véritable « parcours » qui célébrait les vertus du Roi et de son ministre. Les vingt batailles, qui retraçaient les grandes lignes de la politique de la France entre 1627 et 1636, devaient en effet servir d’instrument idéologique. Elles illustraient les trois pôles d’une action, définis par Richelieu dans son Testament politique, et destinés à restaurer la grandeur de la monarchie : ruiner le parti huguenot qui constituait un véritable État dans l’État, rabaisser l’orgueil des Grands, vivier de rivaux pour le roi, et lutter contre les Habsbourg qui voulaient étendre leur volonté d’hégémonie en Europe.

Crédits images :

La ville de Richelieu en Poittou, construitte par le grand Cardinal Duc de Richelieu, au bout des parterres de son superbe chasteau de Richelieu, de la conduitte et des soings de Monsieur le Mercier Architecte. Gravure de Jean Marot d’après un dessin d’Israël Silvestre, vers 1649 © Paris Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris

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