Dès 1919, Benoît XV multiplie les occasions de manifester sa sympathie à l’égard de la France. Il souhaite que le Vatican soit représenté à la conférence de la paix, qui se tient à Paris, mais il en est exclu à la demande de l’Italie. Cependant, le contexte est favorable à de nouvelles relations entre l’Église et l’État, si longtemps conflictuelles en France. Le pape envoie en France l’un de ses plus proches collaborateurs, Mgr Cerretti. Une note du Quai d’Orsay évoque ainsi la mission de ce prélat : « Ce qui paraît clair, dans son esprit, c’est qu’une Séparation concertée, ou régularisée, l’emporte en avantages réciproques, dans les démocraties modernes, sur le régime concordataire. »
À Paris, Clemenceau quitte le pouvoir et l’état d’esprit devient plus favorable. On est conscient des avantages d’une normalisation. Le concordat reste appliqué en Alsace-Lorraine, de nouveau française. Se pose aussi la question des évêques, que le pape nomme librement, sans que la France ait les moyens d’influencer ses choix. Enfin, la situation internationale est totalement nouvelle. « Dans les circonstances actuelles, la reprise des rapports avec le Saint-Siège offre plus d’importance pour la France que pour le Vatican », lit-on dans une note du Quai d’Orsay datée du 19 janvier 1920, qui énumère tout ce que la France aurait à gagner à une reprise des relations avec le Vatican :
« La France a un intérêt évident à s’introduire, à observer et à agir dans un grand centre de relations internationales [le Vatican], spécialement en ce moment :
1° pour la pacification et l’organisation de l’Europe centrale et orientale où les conflits des religions se mêlent à ceux des langues et des races ;
2° pour le règlement des questions de Turquie et du Levant où les statuts politiques des populations se confondent avec leurs statuts religieux ;
3° pour les affaires des missions en Orient, Extrême-Orient et Afrique, où les compétitions internationales sont vives ;
4° pour la consolidation si nécessaire de la paix, et le rôle de médiation et d’arbitrage qu’une haute puissance morale est toujours susceptible d’exercer lorsqu’elle est en mesure de se faire écouter. »
La réconciliation
En mars 1920, un projet de loi est présenté à la Chambre des députés en vue de rétablir le budget de l’ambassade près le Saint-Siège. Il est même question d’organiser un voyage du président de la République, Paul Deschanel, au Vatican. L’idée n’a pas eu de suite, mais à l’occasion de la cérémonie de canonisation de Jeanne d’Arc, le 16 mai 1920, la République se fait représenter à Rome par un ambassadeur extraordinaire, l’ancien ministre et académicien Gabriel Hanotaux.
De retour de sa mission romaine, Hanotaux tente une prospective des futures relations entre l’Église et l’État. Après la période de « Séparation avec rupture », pendant laquelle « la République ignorait Rome et Rome ignorait la République », il préconise une « Séparation dans l’accord », dont les deux partis tireront avantage. C’est « dans la Séparation même » – en oubliant les vieilles querelles du XIXe siècle liées au Concordat et qui n’ont plus lieu d’être – qu’il faut trouver un régime « permettant de vivre en bonne harmonie ».
Après quelques péripéties parlementaires, le 17 mai 1921, le gouvernement dirigé par Aristide Briand – l’auteur de la loi de 1905 – nomme ambassadeur près le Saint-Siège un homme politique de premier plan, Charles Jonnart (1857-1927).
Longtemps député puis sénateur du Pas-de-Calais, deux fois ministre, cette figure du centre-droit reste deux années à Rome. Avec le nouveau nonce apostolique à Paris, Mgr Cerretti, il prépare l’acceptation par l’Église catholique du régime de la loi de 1905, à travers le statut des associations dites « diocésaines ».
Depuis 1918, Jonnart était membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Le 19 avril 1923, il est élu à l’Académie française contre le nationaliste antisémite Charles Maurras.