Henri de Valois élu roi de Pologne

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Par Guillaume Frantzwa, conservateur du patrimoine, chef du département des publics aux Archives diplomatiques


Le 7 juillet 1572, la Pologne perdait son dernier roi héréditaire Sigismond II Jagellon, décédé sans héritier. Le royaume est alors dans une situation complexe : unissant la Pologne proprement dite et la Lituanie dans un régime strict fixé en 1569, « la République des deux nations », le pays est divisé entre catholiques et calvinistes, ce à quoi s’ajoute une forte pression des forces centrifuges, notamment la noblesse, pour réduire les prérogatives du pouvoir central.

Un trône sans héritier, et une élection inédite

La succession polonaise ouvre cependant un nouveau chapitre, car l’absence d’héritier force la noblesse à tenir une élection en bonne et due forme pour choisir un nouveau souverain. Aucun lignage polonais ne semble s’imposer, et plusieurs pays européens, alléchés par la perspective de gagner un trône contrôlant une grande partie de l’Europe du nord-est et jouant un rôle stratégique entre plusieurs puissances, se mettent immédiatement sur les rangs pour faire valoir leurs candidats. La Diète polonaise voit ainsi arriver bientôt les propositions du tsar de Russie, du roi de Suède, des Habsbourg d’Autriche, et enfin de la France, qui propose le frère cadet du roi Charles IX, Henri d’Anjou.

Henri d’Anjou, troisième enfant de Henri II et de Catherine de Médicis, n’était pas destiné à régner sur la France. Son frère Charles IX n’a pas encore d’enfant au décès de Sigismond II, mais son épouse est enceinte, ce qui laisse supposer que son frère Henri ne sera plus utile pour assurer la continuité dynastique et peut être envoyé dans un pays étranger. Les premiers contacts diplomatiques entre la France et la Pologne se soldent cependant par un échec en raison du massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572. Le désastre effraie la partie protestante de la population polonaise, qui craint dès lors que le candidat français n’amène la persécution dans la République. Les ambassadeurs français doivent redoubler d’efforts et parviennent quelques mois plus tard à convaincre la Diète du sérieux de leur proposition, qui a un avantage sur les autres : la France n’est pas un pays voisin de la Pologne, aucune fusion territoriale ni soumission directe n’est donc à craindre pour les Polonais. Des représentants de la Diète viennent à leur tour à Paris en janvier 1573 pour discuter avec l’intéressé et son frère les conditions d’une éventuelle élection.

Henri Ier de Pologne, futur Henri III de France

Les négociations vont bon train, Henri d’Anjou accepte de se plier aux exigences des Polonais pour respecter leurs lois et la tolérance religieuse, et la Diète de Pologne, qui se réunit au grand complet avec 40 000 nobles en avril-mai 1573, choisit facilement le Français comme nouveau monarque le 11 mai. La décision est notifiée à la France le 25 mai, et entérinée par Charles IX dans une grande cérémonie à Notre-Dame de Paris le 10 septembre. Après quoi, il ne reste à Henri d’Anjou, désormais Henri Ier de Pologne, qu’à gagner son nouveau royaume, escorté par 250 nobles venus le chercher en France. Le voyage, difficile en période hivernale, conduit Henri à Cracovie en janvier 1574 seulement, son couronnement est organisé rapidement le 21 février.

Confronté aux rigueurs du climat et à des obstacles linguistiques et culturels, Henri a cependant beaucoup de mal à accepter sa nouvelle patrie. Il rejette la princesse polonaise qu’il s’était engagé à épouser lors des négociations en 1573, Anne Jagellon, de 28 ans son aînée, et garde auprès de lui un petit cercle de courtisans français, ce qui mécontente les Polonais. Ceux-ci exercent de surcroît un contrôle direct sur la conduite des affaires et heurtent la sensibilité du jeune roi, habitué tant à un certain art de vivre qu’à un pouvoir central fort dans son pays natal. C’est donc sans regret que, apprenant la mort de Charles IX le 14 juin 1574, Henri s’enfuit après seulement six mois de séjour en Pologne pour rentrer en France et monter sur le trône de son frère.

Cet épisode rocambolesque conduit le nouveau Henri III de France à un vrai périple à travers l’Europe : l’Autriche, Venise, les principautés d’Italie du Nord, la Savoie, jusqu’au retour à Paris à la toute fin 1574. Les Polonais ne désespèrent pas cependant de voir leur roi revenir assurer ses fonctions. Ils patientent plus d’un an après sa fuite, avant d’envoyer un émissaire protester contre cette absence injustifiée en août 1575, après quoi ils concluent que le trône est vacant, et procèdent à une nouvelle élection. Henri III continue toutefois à porter le titre de roi de Pologne jusqu’à sa mort en 1589, et les contacts restent par la suite étroits entre la France et la Pologne jusqu’à la disparition du pays en 1795.

À lire :

Jean-François Solnon, Henri III : un désir de majesté, Paris, Perrin, 2001

Pierre Champion, Henri III, roi de Pologne (1573-1574), Paris, Bernard Grasset, 1943

Henri de Valois fuyant la Pologne, Artur Grottger (1860) © Musée National de Varsovie | WikiCommons

Crédits photos : 

Illustration de l’accueil : Henri de Valois, duc d’Anjou partant pour la Pologne (1573) © Gallica | BnF

Illustration du chapô : Catherine de Médicis et ses enfants, atelier de François Clouet (1561) © Collection Strawberry Hill House | WikiCommons

Illustration de l’article : © Archives diplomatiques 

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