Fondation du Comtat Venaissin

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Yves Bruley Correspondant de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques)


Si les papes se sont installés en Avignon au début du XIVe siècle, c’est parce que depuis janvier 1274, la papauté possédait le territoire voisin appelé « Comtat Venaissin ». Situé entre le Rhône, la Durance, les monts du Vaucluse et le Ventoux, selon des contours qui ont longtemps varié, le Comtat Venaissin tient son nom, selon l’étymologie admise aujourd’hui largement, du Comitatus avennicinus, puis, par aphérèse de l’a initial, Comitatus vennicinus, puis Comitatus venaysini, c’est-à-dire le « pays » avignonnais (Avennio étant le nom latin d’Avignon). Mais la ville d’Avignon n’en faisait pas partie et son histoire est différente : possession des comtes de Provence jusqu’à son acquisition par le pape Clément VI en 1348, la cité d’Avignon est donc devenue pontificale après le Comtat.

Le Comtat de la papauté

Le Comtat Venaissin resta possession des comtes de Toulouse jusqu’à la défaite de Raymond VII lors de la croisade des Albigeois. En 1229, le Venaissin est formellement cédé au Saint-Siège mais placé sous administration française. En 1273, le pape en revendique la pleine possession, que le roi de France Philippe Le Bel lui cède. Par la bulle pontificale du 19 janvier 1274, le pape Grégoire X désigne ses représentants qui sont chargés de recevoir l’hommage d’une soixantaine de villes, villages et château. Ceux-ci sont désormais réunis en un seul ensemble, qui forme le Comtat Venaissin. En avril 1274, un recteur nommé par le pape est chargé d’administrer ce territoire, dont la capitale est Pernes puis, à partir de 1320, Carpentras.

Le pape du Comtat

En 1305, les cardinaux se réunissent en conclave à Pérouse, en Italie centrale, afin d’élire un nouveau pape. Leur choix se fixe sur Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, qui n’est pas cardinal et se trouve alors en France. Informé de son élévation, le pontife élu prend le nom de Clément V. Il convoque un concile qui devra se tenir à Vienne, près de Lyon. La situation politique est alors très confuse en Italie : Clément V décide d’attendre en Provence la réunion du futur concile, en s’installant avec la cour pontificale dans ses possessions du Comtat Venaissin. Ainsi le pape et les cardinaux séjournent-ils à Pernes, à Venasque, dans d’autres villes, châteaux ou prieurés, et parfois, pour plus de commodité, dans un couvent d’Avignon. Le provisoire dure jusqu’à la mort de Clément V en 1314. Plutôt qu’Avignon, c’est donc le Comtat qui aura abrité la papauté pendant ce pontificat. Après un long interrègne, un nouveau pape est élu en 1316. Or, il se trouve que Jacques Duèze, qui prend le nom de Jean XXII, est ancien évêque d’Avignon. Dans l’impossibilité de se rendre à Rome, il décide de s’installer avec sa cour dans le palais épiscopal de la ville rhodanienne.

Les papes d’Avignon

C’est désormais Avignon plus que le Comtat qui sera le siège de la papauté. Après Clément V et surtout Jean XXII, pas moins de cinq autres papes, tous français, vont se succéder dans le Palais des papes d’Avignon : Benoît XII en 1334, Clément VII en 1342, Innocent VI en 1352, Urbain V en 1362, Grégoire XI en 1371 – le dernier pape français – qui décide de rejoindre Rome. À la mort de Grégoire XI à Rome en 1378, l’élection de son successeur est contestée et provoque une division profonde de l’Église catholique, appelée « Grand Schisme d’Occident ». La Chrétienté se déchire entre deux papautés concurrentes, celle de Rome et celle d’Avignon. Commence alors une seconde « papauté d’Avignon » : pendant vingt-cinq ans, de 1378 à 1403, dans le Palais des papes qui domine le Rhône, règnent successivement le Savoyard Clément VII et l’Aragonais Benoît XIII – donc français ni l’un ni l’autre. Ils sont pourtant considérés par l’Église catholique comme des antipapes, bien qu’ils aient été reconnus à l’époque par la moitié de la Chrétienté.

Du Venaissin au Vaucluse

Privés désormais de la présence des pontifes, Avignon et le Comtat Venaissin resteront possessions pontificales jusqu’à la Révolution française, malgré quelques velléités du royaume de France de s’en emparer. En 1791, les populations votent l’incorporation des deux territoires à la monarchie française, et le décret-loi du 14 septembre 1791 porte « réunion d’Avignon et du Comtat Venaissin à la France ». En 1793, la Convention forme le département de Vaucluse, incluant Avignon (son chef-lieu), le Comtat, y compris Valréas (canton enclavé dans le département de la Drôme), mais aussi, hors des États pontificaux, Mondragon, l’ancienne principauté d’Orange (longtemps indépendante, annexée par Louis XIV), et au sud les pays d’Apt et de Sault, qui relevaient sous l’Ancien Régime du comté de Provence (français depuis 1487).

À lire 

Yves Renouard, La papauté à Avignon, PUF, 1954.

Jean Favier, Les papes d’Avignon, Fayard, 2006.

Yves Bruley, Histoire de la papauté, Perrin, 2010.

Yves Bruley (dir.), « La papauté d’Avignon », dossier de la revue Codex, n°24, juillet 2022.

 

 

Crédits images 

Illustration d’accueil : La principauté d’Orange et comtat de Venaissin, 1630 © Wikimedia Commons

Illustration du chapô : Monnaie féodale du Comtat Venaissin sous Clément VII © Gallica / BNF

Illustration de l’article : Carte du Comtat Venaissin XVIIe siècle © Gallica / BNF

Illustration de bas de page : Clément V, détail d’une fresque d’Andrea di Bonaiuto dans la chapelle des Espagnols du couvent Santa Maria Novella à Florence, XIVe siècle © Wikimedia Commons

 

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