Fondation des Presses universitaires de France (PUF)

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Par Valérie Tesnières, Directrice d’études de l’EHESS, spécialiste des pratiques et politiques éditoriales contemporaines, Directrice de La Contemporaine


Fondées le 17 décembre 1921, les Presses Universitaires de France sont une société coopérative de consommation anonyme, dont la rétribution du capital aux actionnaires est limitée, le réinvestissement dans la production éditoriale étant la priorité. Le contexte économique de l’après-guerre pousse à des formules où les scientifiques prennent en main l’édition et la diffusion de leurs travaux à l’instar de la Société française de physique. Plusieurs modèles ont inspiré les fondateurs. Le biologiste Maurice Caullery a ainsi étudié le fonctionnement des presses d’université britanniques et américaines, où les instances de décision reposent sur les communautés académiques sans délégation à un éditeur privé. L’autre influence vient du coopératisme professé par l’économiste Charles Gide. La Banque des coopératives qui se met en place au même moment, apporte caution et ressources au projet. 248 universitaires signent le Manifeste coopératif des intellectuels et universitaires français. Au sein des PUF, Xavier Léon représente la Société française de philosophie tandis que Maurice Caullery et Charles Marie les intérêts des laboratoires de l’Université et des sociétés savantes qui s’y rattachent. La direction éditoriale repose sur des comités par discipline.

L’implantation d’un nouvel acteur dans le monde des librairies

Les PUF mettent en chantier dès 1925 des grandes synthèses : Histoire générale, sous la direction de Gustave Glotz, Vocabulaire juridique d’Henri Capitant (1930),  Dictionnaire étymologique d’Oscar Bloch et Walther von Warburg (1932). La nouvelle société entend disposer d’une chaîne complète de production et de diffusion : elle se dote d’une librairie parisienne (49 boulevard Saint-Michel), puis en 1928 d’une imprimerie à Vendôme. Ce faisant, elle se heurte à l’hostilité des professions du livre. En 1926, les PUF reprennent la librairie fondée par Ernest Leroux spécialisée en archéologie et histoire des religions.  Des accords de gestion sont passés avec des maisons au profil comparable comme la librairie Alcan, éditrice de revues (Revue philosophique, Revue historique, Année sociologique…) et de collections de réputation internationale (Bibliothèque de philosophie contemporaine, Peuples et civilisations). La librairie Rieder, héritière du fonds d’histoire de Cornély tout en développant dès 1920 un fonds littéraire remarqué (Prosateurs français contemporains, Prosateur étrangers contemporains), mutualise aussi ses services avec les PUF. Mais en 1934, la faillite de la Banque des coopératives risque d’entraîner celle des PUF. Mandaté par la BNCI, Paul Angoulvent est alors chargé d’assainir la situation : il regroupe boulevard Saint-Germain plusieurs services  des quatre éditeurs ayant partie liée (Alcan, PUF, Rieder et Leroux), mais chaque maison garde son autonomie éditoriale jusqu’en 1939, où la fusion est consommée sous le symbole graphique du quadrige.

Les emblématiques Que sais-je ?

Pour faire vivre l’un des fonds académiques français parmi les plus prestigieux et la soixantaine de salariés de l’entreprise en 1940, Angoulvent a alors l’idée d’une collection encyclopédique de poche à rotation rapide, les Que-sais-je ?, dont le format et la maquette rajeunissent le genre de la synthèse. Le succès est rapidement au rendez-vous.  Après 1945, l’expansion des PUF se confirme et épouse la courbe de croissance de la population étudiante. De nouvelles collections leur sont destinées (Clio, Thémis…). La sociologie, la psychologie et la psychanalyse s’imposent aux côtés de la philosophie et de l’histoire dans le catalogue. Le fonds s’exporte largement à l’étranger. Paul Angoulvent demeure à la tête de l’entreprise jusqu’en 1974, date à laquelle son fils Pierre le remplace. Michel Prigent lui succède en 1994  alors que l’édition de sciences humaines et sociales doit faire face au tournant numérique. Il faut à nouveau restructurer et se séparer des activités d’imprimerie et de librairie, puis abandonner le statut coopératif depuis longtemps vidé de son sens pour celui d’une société anonyme, s’ouvrir à de nouveaux capitaux en 2000 puis en 2010.  La rentabilité est enfin atteinte. Surtout l’essentiel d’un catalogue éditorial exceptionnel est préservé. Le décès prématuré de Michel Prigent l’année suivante risque de remettre en cause ces acquis. En 2014 le groupe SCOR prend une participation majoritaire dans l’entreprise. En 2016 est constitué le groupe de presse Humensis avec les éditions Belin. La collection Que-sais-je ? devient une marque à part au sein du groupe. La société des PUF est dissoute en 2017.

 

Bibliographie :

 

Valérie Tesnière, Le Quadrige, un siècle d’édition universitaire 1860-1968, Paris, PUF, 2001

 

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