Fondation des Concerts Colonne

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Par Laurent Petitgirard, compositeur, chef d’orchestre, Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts


L’Orchestre Colonne a été fondé par le violoniste et chef d’orchestre Édouard Colonne, né en 1838 à Bordeaux. Il crée en novembre 1873 son propre orchestre : l’Association artistique des Concerts Colonne. Celle-ci s’installe au Théâtre du Châtelet, le nom d’Édouard Colonne sera d’ailleurs donné plus tard à une des rues longeant le théâtre.

Une association pour les nouveaux talents

Les Concerts Colonne se consacrent dès lors à défendre avec passion la musique contemporaine de l’époque, mettant en avant les jeunes compositeurs tels Saint-Saëns, Massenet, Fauré, d’Indy, Charpentier, Debussy, Dukas, Ravel, mais aussi Wagner et Richard Strauss. L’Orchestre invite également les grands solistes de l’époque (Sarasate, Pugno, Ysaye…), et c’est l’une des premières formations à faire appel à des chefs étrangers, tels que Mottl ou Von Weingartner. Mais ce sont surtout les plus grands compositeurs, Mahler, Tchaïkovski, Debussy, Grieg, R.Strauss ou Prokofiev qui viennent y diriger leurs propres œuvres. C’est dans le cadre de l’exposition universelle de 1900 à Paris que sera donnée pour la première fois en France la neuvième symphonie « du Nouveau Monde » de Dvorak par l’Orchestre Colonne sous la direction d’Oskar Nedbal. En 1910, Gabriel Pierné, ami de Debussy, succède à Édouard Colonne à la tête de l’orchestre. Pierre Monteux, qui occupe la place d’alto solo de l’orchestre Colonne de 1893 à 1912, sera incité et soutenu par Édouard Colonne lui-même dans sa carrière de chef d’orchestre, celui-ci lui confiant la baguette lors de répétitions d’orchestre. Rien d’étonnant donc à ce que, quand Pierre Monteux est finalement appelé à diriger la création du Sacre du Printemps le 29 mai 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, l’orchestre des Ballets Russes soit alors en fait composé principalement, pour l’occasion par des musiciens de l’Orchestre Colonne.

Colonne et Lamoureux

Pendant la première guerre mondiale, les orchestres voient une grande partie de leurs musiciens partis au front : c’est pourquoi les deux orchestres Colonne et Lamoureux décident alors d’unir leurs forces afin d’être en mesure de continuer à donner des concerts. L’Association des concerts Colonne – Lamoureux voit donc le jour, de 1914 à 1918. En 1939, l’association des concerts Colonne-Lamoureux réapparaît pendant un an. L’orchestre Colonne devra même renoncer à son nom, Édouard Colonne étant d’origine juive. En 1940 l’orchestre est donc renommé « Concerts Pierné », et sera défendu avec courage par Gaston Poulet. Mais dès la Libération en 1944, l’orchestre reprend son nom historique de Concerts Colonne. Paul Paray (1932), Charles Munch (1956) et Pierre Dervaux (1958) seront présidents-chefs d’orchestre ; par la suite, le compositeur Marcel Landowski et le chef Armin Jordan présideront aux destinées de l’Association mais cette fois sans en assurer la direction musicale.

L’Orchestre Colonne : la musique en héritage

En 2005 j’ai été approché par le violon solo de l’orchestre, Paul Rouger (ancien violon solo de l’Orchestre Symphonique Français que j’avais dirigé de 1988 à 1997) qui, avec le Secrétaire général Gilles Kasic, souhaitaient proposer mon nom comme directeur musical au vote des membres de l’orchestre. L’Orchestre Colonne est en effet l’une des rares formations symphoniques dont le directeur musical est élu par les musiciennes et les musiciens de l’orchestre. C’était bien sûr très émouvant pour moi car le 1er fauteuil de la section de composition musicale de l’Académie des beaux-arts sur lequel j’avais été élu en décembre 2000 était celui de Gabriel Pierné et de Marcel Landowski, auquel j’avais succédé. Y voyant comme une filiation, j’ai alors proposé aux musiciens un projet comprenant la présence d’une œuvre de musique contemporaine dans chaque programme, ainsi que la mise en place d’un tarif extrêmement modique permettant l’accès au concert à un public plus large.

Pendant treize années, j’ai eu le privilège de diriger ces excellents musiciens, engagés, curieux et désintéressés qui font honneur à la musique française. L’orchestre a pu acquérir en 2010 une salle dans les 13ème arrondissement de Paris, lieu de répétitions, de concerts et d’enregistrements qui est bien évidemment devenu la Salle Colonne. L’Orchestre Colonne, désormais dirigé par mon excellent confrère Marc Korovitch, continue à perpétuer l’esprit de son fondateur en présentant une saison riche et ambitieuse tout en privilégiant une action déterminée envers le jeune public qu’il est indispensable de sensibiliser à la beauté de la musique symphonique.

Crédits photos :

Illustration de la plage d’accueil : Edouard Colonne par Hector Dumas, 1905 © Wikimedia Commons

Illustration du chapô :  Photographie d’Edouard Colonne, Atelier Nadar. © Galllica / BNF. 

Illustration de l’article : Amphithéâtre au Concert Colonna RF1978 -38 Devambez André Victor Edouard (1867-1944) Localisation : Paris, musée d’Orsay Photo ©  RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

 

 

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