Défense et illustration de l’École de la République (4/5) : Charles Péguy défenseur de l’élitisme républicain

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Article de Charles Coutel, vice-président de l’Amitié Charles Péguy


L’évocation de son parcours scolaire et universitaire par Péguy n’est en rien complaisante. L’École républicaine permit au boursier Péguy de bénéficier de la méritocratie et de l’élitisme républicains. En héritier des Lumières, il ne cesse de chérir une institution qui l’émancipe et qu’il prolonge dans l’entreprise des Cahiers de la Quinzaine. Il ne reviendra jamais sur ce jugement, se présentant à la fois comme « socialiste jeune homme » et comme « vieux républicain ». Dans son éloge de l’institution scolaire, il sait intégrer une analyse lucide des vicissitudes historiques de cette institution. Il ne la critique que pour mieux la valoriser. Ainsi, sur les questions scolaires, son herméneutique critique se fait prophétique, volontariste et mobilisatrice.

Dès le 16 août 1902, il annonçait : « Il dépend de nous, dans la période vraiment grande où nous allons entrer, d’achever dans l’ordre intellectuel l’œuvre de la Révolution française, en fondant définitivement l’enseignement de la raison et de la liberté. Il n’y a aucune violence contre aucune croyance : c’est au contraire la libération de toutes les consciences et de tous les esprits appelés à se diriger eux-mêmes. [Ceux qui refuseraient] le mouvement d’émancipation commencé à peine […] condamneraient la France républicaine et la pensée humaine à une rechute dans les ténèbres » (Œuvres complètes en prose, édition de la Pléiade, vol.I, p. 1005).

Qui dira que ces lignes ne sont pas actuelles ? Péguy est ici un fils des Lumières et de la Révolution de 1789 qui voyait dans l’instruction publique le creuset de l’intégration et de l’émancipation républicaine au service de la justice sociale et d’une société fraternelle. Il s’inscrit en cela dans la filiation d’un Ferdinand Buisson qui, dans ses Souvenirs, n’hésita pas à écrire : « Tant vaut l’école, tant vaut la nation » (Souvenirs (1866-1916), Paris, Fischbacher, 1916, p. 40).

Cette contribution reprend quelques éléments de l’entrée « École » du Dictionnaire Charles Péguy, sous la direction de Salomon Malka et avec la collaboration d’Yves Avril et Claire Daudin, Albin Michel, 2008.

À lire :

Charles Coutel, Petite vie de Charles Péguy, Bruges, Desclée de Brouwer, 2013

Charles Coutel et Éric Thiers (dir.), La pensée politique de Charles Péguy. Notre république, Toulouse, Privat, 2016

Jean-François Sirinelli, « Des boursiers conquérants. École et “promotion républicaine” sous la IIIe République » dans Le Modèle républicain, Serge Berstein et Odile Rudelle (dir.), PUF, 1992

Revue de l’Amitié Charles Péguy no 162, avril-juin 2018, « Péguy et la transmission des humanités »

Crédits photos :

Illustration de l’article : Minerve éclairant les Sciences et les Arts, par Pierre Paul Prud’hon, huile sur papier marouflé sur toile, XVIIIe siècle (4ème quart)- XIXe siècle (1er quart). Acquis avec le concours de la Société des Amis du Musée de Dijon, de l’État et du Conseil Régional de Bourgogne (F.R.A.M.), 1984 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/Michel Bourquin

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