Création de la caisse des Invalides de la Marine Royale

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Notice rédigée par France Mémoire


Au XVIIe siècle, ceux que l’on appelle les « gens de mer » constituent la masse indifférenciée des marins de toutes nationalités, naviguant sous divers pavillons, au service de la guerre ou celui du commerce. Pour les recruter, la Marine royale utilise alors une méthode brutale et très arbitraire : c’est le « système de la presse », qui autorise à enrôler les marins dans les ports et à les embarquer de force si besoin.

Du « système de la presse » au « système des classes »

En 1670, l’une des premières préoccupations de Colbert, devenu ministre de la Marine, sera de mettre fin à cet usage en le remplaçant par un « système de classes », tout aussi autoritaire mais mieux organisé : l’Édit du 16 avril 1670 institue ainsi différentes classes de marins appelés à servir à tour de rôle, pendant une année, sur les navires du Roi. Tout en garantissant un réservoir de marins suffisant pour les besoins de la Marine, cette mesure vise aussi à préserver les secteurs de la pêche et du commerce en s’assurant d’un roulement qui ne les prive pas de leur main-d’œuvre. Colbert assortit cette réforme d’une mesure garantissant le versement d’une rente de 2 écus par mois aux marins devenus infirmes sous le pavillon royal : l’équivalent lointain de notre minimum vieillesse.

La première Caisse de retraite

Mais c’est l’Édit de Nancy, le 23 septembre 1673 qui, en créant la Caisse des invalides de la marine royale, fonde le tout premier régime de retraite, 200 ans avant les premières lois sociales, et presque 300 ans avant la création de la Sécurité sociale en 1946. Cette Caisse est alimentée par un prélèvement obligatoire correspondant à 2,5% de la solde des marins et des officiers de tous grades. Elle est d’abord destinée à construire deux hôpitaux réservés aux marins blessés, mais aussi aux veuves et aux orphelins : l’hôpital de Rochefort, pour les marins du Ponant, et celui de Toulon pour les marins du Levant. La Caisse des invalides va en définitive trouver d’autres usages, et seul l’hôpital de Rochefort verra le jour.  

Colbert, père de la Sécurité sociale ?

Le génie de Colbert a consisté à mettre en place un système d’assistance financé non sur le Trésor royal, mais sur l’épargne forcée d’une part modique de la solde des marins. Née du cerveau économe de celui qui est aussi le contrôleur des finances de Louis XIV, cette idée fonde le principe solidaire sur lequel repose tout notre système actuel. Par une note du 7 août 1675, Colbert complète le dispositif en instituant le « mois des familles », qui délègue une partie de la solde des marins au profit de leurs proches, puis, en 1681, par une nouvelle ordonnance commandant aux armateurs de prendre en charge pendant quatre mois les marins blessés à leur service : cette ordonnance constitue encore aujourd’hui une des particularités du régime social des marins. En 1689, Seignelay, le successeur de Colbert au ministère de la Marine, adopte une Grande Ordonnance qui institue le paiement d’une « compensation » aux marins infirmes, équivalente à une demi-solde  : il s’agit au départ d’une mesure provisoire en attendant l’achèvement des hôpitaux de Rochefort et de Toulon, mais c’est en définitive ce système qui va perdurer, s’étendre progressivement aux marins du commerce et aux marins âgés, puis inspirer d’autres systèmes de protection… pour les travailleurs de la Terre.

Crédits images 

Illustration d’accueil : Joseph Vernet, vue du Port de Rochefort, prise du Magasin des Colonies, 18e siècle © Commons Wikimedia

Illustration du chapô :Portrait de Jean Baptiste Colbert par Philippe de Champaigne, 1655 © Commons Wikimedia

Illustration de l’article : Chabot, vue de l’hôpital de Rochefort, prise du côté du cours d’Ablois  © Commons Wikimedia / Médiathèque Michel-Crépeau

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