4/5 Chronique de 1723. Portrait de Lauzun.

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Extrait des Mémoires du duc de Saint-Simon


Ce portrait du beau-frère de Saint-Simon, personnage fantasque qui avait défrayé la chronique à l’époque où il avait eu l’audace de vouloir épouser la Grande Mademoiselle, nièce de Louis XIII, est un des plus remarquables qu’il ait écrit, par sa manière d’hésiter entre traits positifs et négatifs et de laisser la balance égale entre éloge et blâme.

Le duc de Lauzun était un petit homme blondasse, bien fait dans sa taille, de physionomie haute, pleine d’esprit, qui imposait mais sans agrément dans le visage, à ce que j’ai oui dire aux gens de son temps ; plein d’ambition, de caprices, de fantaisies, jaloux de tout, voulant toujours passer le but, jamais content de rien, sans lettres, sans aucun ornement ni agrément dans l’esprit, naturellement chagrin, solitaire, sauvage ; fort noble dans toutes ses façons, méchant et malin par nature, encore plus par jalousie et par ambition, toutefois bon ami quand il l’était, ce qui était rare, et bon parent ; volontiers ennemi, même des indifférents, et cruel aux défauts et à trouver et donner des ridicules ; extrêmement brave et aussi dangereusement hardi ; courtisan également insolent, moqueur et bas jusqu’au valetage, et plein de recherches, d’industrie, d’intrigue, de bassesses pour arriver à ses fins, avec cela dangereux aux ministres à la cour redouté de tous, et plein de traits cruels et pleins de sel qui n’épargnaient personne.

 

Louis de ROUVROY de SAINT-SIMON, Mémoires suivi de Additions au journal de Dangeau, « Son Caractère, sa rapide fortune», Tome VIII, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1988, p. 620.

Un grand merci à Marc Hersant sans qui nous n’aurions pu présenter ce florilège de textes variés, fruit d’une longue fréquentation de l’œuvre écrite du duc de Saint-Simon.

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Israël Silvestre, Château royal de Versailles vu de l’avant-cour, 1674. Estampe. © Gallica/BNF (Paris).

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