Carnot, de père(s) en fils

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Article de Jean-Guy Monnot, membre de l'association Nolay Histoire et Patrimoine


Les 25 dernières années de sa vie, Lazare Carnot les consacra surtout aux travaux scientifiques et à l’éducation de ses deux fils, avec de courtes périodes « politiques » : ministre de la guerre pendant six mois sous le Consulat, opposition au pouvoir personnel puis héréditaire de Napoléon Bonaparte lorsqu’il siégea au Tribunat, gouverneur d’Anvers en 1814 et ministre de l’intérieur pendant les Cent Jours.

Après sa mort, un long silence continua le temps de la proscription, pratiquement jusqu’à la Seconde République. Après avoir été radié à deux reprises de l’Institut (en 1797 et 1816) – ce qui est unique –,une séance d’hommage posthume solennel a été organisée en 1837 par un jeune contemporain, François Arago, devenu secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences.

Sa postérité, au sens premier du terme, le prolongera en fait rapidement à travers ses deux fils Nicolas-Sadi et Hippolyte, puis son petit-fils François-Marie-Sadi.

Nicolas-Sadi Carnot, pionnier de la thermodynamique

Dès 1824, Nicolas-Sadi, ancien élève de l’École Polytechnique, en publiant Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance, jeta les bases de la thermodynamique, en particulier en énonçant le second principe. La correspondance échangée avec son père et un séjour en 1821 à Magdebourg lui firent prendre le relais de l’Essai sur les machines en général, écrit par Lazare en 1783 .

Ses travaux, restés confidentiels, furent progressivement divulgués et poursuivis par Clapeyron en 1834, Joule en 1843, Thomson (Lord Kelvin) à partir de 1844 et Clausius en 1854. Ses notes manuscrites – celles qui ne furent pas détruites à son décès attribué au choléra en 1832 – furent publiées seulement en 1878 et intégralement en 1927. Elles révèlent le premier principe de la thermodynamique.

L’utilisation du prénom Sadi pour chaque aîné de chaque génération, décidée par Lazare, prolonge encore aujourd’hui le souvenir du poète persan du XIIIe siècle, Sâadi de Chiraz, découvert à Arras vers 1784 avec les Rosati (cercle de poètes où il avait rencontré Robespierre dix ans avant la Terreur).

Hippolyte Carnot et les fondements de l’école publique

De son côté Hippolyte, avocat, fut durant un demi-siècle le chef du parti républicain, même s’il s’agissait d’une nébuleuse à géométrie et à idéologie variables, recouvrant plusieurs groupes dans les assemblées parlementaires.

Saint-simonien à la suite de son frère, il publie en 1829-1831 L’exposition de la doctrine de Saint-Simon, l’économiste que son père avait rencontré en 1815, pendant les Cent-Jours, et auquel il avait fait obtenir un emploi de bibliothécaire à l’Arsenal.

La courte période de 1848 où il fut ministre de l’instruction publique lui permit de définir les grandes lois scolaires qui seront reprises par la IIIe République et que son père Lazare avait esquissées en quelques jours en 1815. Il fonda une École d’Administration sur le modèle de celle de Polytechnique.

En 1861-1863, il a publié Mémoires sur Carnot par son fils à partir de ses souvenirs de l’exil partagé à Magdebourg, enrichis des correspondances de Lazare, notamment avec sa famille.

En 1871, élu député de Seine-et-Oise en même temps que son fils Sadi, en Côte d’Or, il était le doyen parlementaire, ayant siégé dans six assemblées différentes.

François-Marie-Sadi Carnot, président de la République

Le relais politique fut pris par le petit-fils de Lazare, François-Marie-Sadi, fils d’Hippolyte,  polytechnicien lui aussi et ingénieur des Ponts-et-Chaussées, élu sans discontinuer député de la Côte d’Or (dans l’une des circonscriptions de Beaune) de 1871 à 1887, année de son élection à la présidence de la République.

Après le scandale du trafic des décorations dans son entourage proche, Jules Grévy, président de la République, fut contraint à la démission. À gauche, Clémenceau, opposé à l’élection de Jules Ferry, pousse la candidature de Sadi Carnot en déclarant : « Carnot n’est pas très fort et c’est un parfait réactionnaire, mais il porte un nom républicain et d’ailleurs nous n’en avons pas d’autres ».

En 1889, le 4 août, pour le centenaire de la Révolution, les cendres de Lazare Carnot entrèrent au Panthéon sous la présidence de son petit-fils Sadi.

L’assassinat de Sadi à Lyon, le 24 juin 1894, et son entrée immédiate au Panthéon réanimèrent la mémoire du nom Carnot jusqu’à faire de Lazare un « saint laïc ».

Crédits photos :

Illustration de l’article :

Bannière : Portrait de Lazare Carnot, par Louis Léopold Boilly © Paris Musées / Musée Carnavalet

Bas de page : Arbre généalogique illustré de la famille Carnot © Fonds Sylvie Carnot, Archives départementales de la Côte-d’Or, 143 J

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