Camille Flammarion, astronome populaire
RETOUR AU DOSSIERPar Françoise Combes, présidente de l’Académie des sciences
Avec son Astronomie populaire, Camille Flammarion reste un des meilleurs passeurs de science de tous les temps. Il a réussi à attirer le grand public vers l’astronomie et à lui faire prendre conscience de la beauté et du mystère du monde qui nous entoure. Il s’est aussi intéressé au climat et à l’atmosphère terrestre. Ses livres sont toujours écrits avec passion et d’un ton très lyrique. Ils ont parfois un côté mystique, et même spirite.
De la Terre à la Lune
Camille grandit dans une famille très modeste de cultivateurs de Haute-Marne. Ses parents, Jules et Françoise Flammarion, vivent du produit de leurs terres et tiennent aussi un petit commerce de mercerie. Camille est l’aîné de quatre enfants : il a deux sœurs et un frère, Ernest, éditeur et fondateur des éditions Flammarion. Camille est un enfant très doué : il sait lire et écrire à quatre ans et aime observer la nature, les fleurs, les insectes, les coquilles fossiles. Lorsqu’il a cinq ans, il est fasciné par une éclipse de soleil annulaire, que sa mère lui fait observer dans un seau d’eau, la surface de l’eau faisant office de miroir.
Quand il a dix ans, ses parents vont tenter de résoudre leurs difficultés financières croissantes à Paris, et le laissent en pension au séminaire de Langres. La situation financière ne s’arrange pas, et Camille rejoint ses parents deux ans plus tard. Il travaille pour les aider chez un graveur où il apprend le dessin. Voulant absolument continuer son instruction, il travaille de façon acharnée, suit des cours du soir pour passer son baccalauréat, et s’achète lui-même ses livres, aux dépens de sa nourriture. Il écrit un livre de cinq cents pages, Cosmogonie universelle. Surmené, il reçoit la visite du médecin Fournier, qui remarque sa grande passion pour l’astronomie et ses capacités remarquables. Il est alors introduit auprès du directeur de l’Observatoire de Paris, Urbain Le Verrier, qui le recrute comme élève astronome.
Un jeune astronome à Paris
Camille est ravi : même s’il n’est employé qu’à des travaux un peu fastidieux de calcul, il a un salaire qui lui permet de s’adonner à ses rêves et à l’étude des astres. Il s’initie aux observations nocturnes avec l’astronome Jean Chacornac. Ce qui l’intéresse n’est pas de calculer des positions et de construire un catalogue, mais de s’interroger sur la physique des étoiles et des nébuleuses, et d’imaginer leur distance, le volume immense dans lequel il pourrait y avoir d’autres planètes, d’autres mondes. C’est à cette époque qu’il est tenté par le spiritisme d’Allan Kardec et qu’il devient membre de la Société parisienne des études spirites. À l’âge de vingt ans, il publie La pluralité des mondes habités. Ce livre rencontre beaucoup de succès, il est remarqué par des écrivains comme Sainte-Beuve ou Victor Hugo ! En revanche, cette renommée est loin de plaire au directeur Urbain Le Verrier, qui le congédie. Pour le Verrier, son travail manque d’assise scientifique, il est trop philosophique, trop poétique. Le Verrier est très impopulaire et un académicien de l’Observatoire de Paris, Delaunay, fait recruter Camille Flammarion au Bureau des Longitudes, où il peut continuer non seulement le calcul des éphémérides, mais aussi à partager sa passion de l’astronomie en écrivant des livres, des articles, en donnant des cours et des conférences pour tout public.
Science et imagination
Il écrit pour les journaux, Le Siècle ou Cosmos. Que ce soit dans ses livres Les Merveilles célestes, ou L’Astronomie populaire, il réussit à captiver ses lecteurs par son enthousiasme, sa poésie, son émerveillement devant les phénomènes de la nature. À commencer par la Terre ou l’atmosphère, il nourrit ses connaissances avec plusieurs ascensions en ballon afin d’étudier l’état hygrométrique et la direction des courants aériens. Il s’informe des derniers travaux en astronomie, de la spectroscopie qui permet de découvrir la composition chimique des étoiles, des progrès sur leurs distance et propriétés physiques. Il complète les descriptions par son imagination poétique. Ainsi il décrit le Soleil, qui projette sous nos yeux ses tempêtes et ses éruptions fantastiques, comme des palpitations formidables. La Lune laisse photographier ses paysages, ses continents et ses mers, les planètes ne sont plus des blocs inertes roulant en silence dans la nuit éternelle, mais c’est la vie universelle qui se déroule en flots d’harmonie jusqu’aux horizons infinis. Mars a des calottes de glace et de neige, qui fondent selon les saisons, sa couleur est due à ses mers, à sa végétation. Parlant des phases de Mercure, il y voit des montagnes et imagine qu’elles sont couronnées de jardins superbes, où croissent naturellement les fruits les plus succulents. Les comètes vagabondes laissent surprendre les secrets de leur formation et leur parenté avec les étoiles filantes.
La dernière demeure de Camille Flammarion
À l’âge de quarante-cinq ans, il crée la Société astronomique de France, dont il est le premier président et dont il dirige le bulletin mensuel jusqu’à sa mort, l’Astronomie. Ce bulletin est toujours publié dans les kiosques en France et pays francophones voisins, après plus de cent-quarante ans d’existence.
Un riche propriétaire bordelais, Louis-Eugène Meret, possédait à Juvisy-sur-Orge une belle propriété, ancienne auberge de la cour de France, entourée d’un grand parc. Astronome amateur, il est enthousiasmé par la lecture de L’Astronomie populaire, et décide de donner sa propriété à Camille Flammarion afin d’en faire un observatoire. Flammarion y fait construire une coupole astronomique, nantie d’une lunette équatoriale, qui lui permettra de faire des observations et d’inviter un grand nombre de personnalités pour leur faire partager les merveilles du ciel. Il y développe ses photographies et se construit une très riche bibliothèque, réunissant des ouvrages scientifiques et d’histoire des sciences.
Camille Flammarion repose dans ce parc avec Sylvie Pétiaux sa première épouse qui l’a accompagné pendant quarante-cinq ans et qui est décédée de la grippe espagnole en 1919, et avec sa deuxième épouse, Gabrielle Renaudot, qui lui survit pendant trente-sept ans.
Á lire :
Camille Flammarion, Astronomie populaire, Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1881. Disponible sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96291926
Bannière de la page d’accueil :
Détail d’une illustration de Françoise Foliot pour l’Astronomie populaire © WikiCommons / Fonds Françoise Foliot
Illustration du chapô :
Camille Flammarion étudiant les astres, 1921. Photographie de presse, agence Meurisse (Paris). © Gallica / BnF (Paris)
Bannière de l’article :
Camille Flammarion à Juvisy au milieu des années 80. photographie ancienne. © WikiCommons
Corps du texte :
Anonyme, illustration pour L’atmosphère : météorologie populaire, de Camille Flammarion, 1888. Gravure sur bois. © WikiCommons
H. Mairet (photographe), Séance de spiritisme chez Camille Flammarion avec le medium Eusapia Palladino en 1898. © WikiCommons
Caricature de Camille Flammarion à la une du Drolatique n°16, samedi 27 juillet 1867. © Paris Musées / Musée Carnavalet-Histoire de Paris
Gabrielle Flammarion dans le bureau de son mari, à l’Observatoire de Juvisy-sur-Orge, juste après la mort de Camille Flammarion en juin 1925. Photographie extraite de L’Illustration de juin 1925. © Bibliothèque de l’Institut de France
Bas de page : Zimmermann (illustrateur), affiche publicitaire pour Le Monde avant la création de l’homme, de Camille Flammarion, 1885. © Gallica / BnF (Paris)