Découverte de la bauxite par Pierre Berthier

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Par Jean-Claude Boulliard, Maître de conférences à Sorbonne Université Véronique Tournis, Docteur en géologie


En 1821, dans le Journal des Mines, Pierre Berthier (1782-1861), minéralogiste et chimiste, professeur à l’École des Mines de Paris puis inspecteur général des mines et membre de l’Académie des sciences, décrit ainsi sa découverte :

“Il existe auprès d’Arles, sur une colline qui porte le nom de colline des Beaux, et tout-à-fait à la superficie du sol, un dépôt considérable de minerai de fer, semblable par son aspect et par son gisement aux minerais de fer dits d’alluvions (…) en ayant envoyé quelques échantillons au laboratoire de l’École pour faire constater sa richesse, je l’ai examiné et j’ai trouvé qu’il était composé d’hydrate d’alumine, mélangé d’oxyde rouge de fer. L’hydrate d’alumine n’ayant pas encore, que je sache, été trouvé en Europe, je crois devoir rapporter les expériences qui m’ont conduit à reconnaitre son existence dans le minerai des Beaux.”

Ces échantillons sont comparables à ceux qu’il avait analysés une année plus tôt, provenant des monts Fouta-Djalon de l’actuelle République de Guinée et publiés dans les Annales des Mines. Berthier n’a pas nommé ce « minerai » dans son article, mais Armand Dufrénoy, en 1856, lui en restitue le nom, beauxite, qui sera corrigé en bauxite par Henri Sainte-Claire Deville en 1861, le dépôt étant situé dans la commune des Baux-de-Provence.

La composition et l’utilisation de la bauxite 

La bauxite est en fait une roche sédimentaire ou résiduelle, formée par altération des sols, en climat chaud et humide, composée d’hydroxydes (hydrates) d’aluminium (boehmite ou diaspore, gibbsite) entre 40 à 60 %, d’oxydes de fer (hématite, goethite), de minéraux argileux (kaolinite) et de minéraux titanés (anatase, rutile). Sa texture et sa minéralogie varient, influencées par les conditions climatiques et de latitude, faisant des couches de bauxite des marqueurs (horizon-repère) paléogéographiques et paléoclimatiques précieux.

Cette roche est riche en minéraux d’aluminium, il restait donc à trouver comment produire l’aluminium métal. En 1854, Sainte-Claire Deville parvient à en produire à partir de l’alumine (oxyde d’aluminium). L’extraction de la bauxite débute en 1860 dans le département du Var.

En 1886, Paul Héroult et l’américain Charles Martin Hall, brevètent le même procédé de production de l’aluminium à partir d’alumine, par électrolyse, (procédé Hall-Héroult), ouvrant la voie à son utilisation industrielle. En 1887 le chimiste Karl-Josef Bayer met au point le « procédé Bayer » d’extraction de l’alumine, toujours utilisé et constamment amélioré. La première usine électrométallurgique française s’installe à Froges (Isère) en 1887. En 1907, la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue, qui deviendra Pechiney en 1950, construit l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie, et démarre une grande épopée industrielle. Jusqu’en 1913, la France est le principal producteur d’aluminium.

La bauxite est répandue sur le globe. Les principales ressources minières, situées en Afrique, Océanie, Amérique Centrale et Asie pour les qualités les plus riches, sont estimées entre 55 et 75 milliards de tonnes. La grande majorité de la bauxite (86%) est produite en Australie, Chine, Guinée, Brésil et Inde, dont la moitié en Australie et en Chine. L’Australie est le premier producteur mondial d’alumine. Il faut 4 à 5 tonnes de bauxite pour obtenir 2 tonnes d’alumine, et en extraire 1 tonne d’aluminium.

L’intérêt et les dangers de l’aluminium

La production d’une tonne d’aluminium demande beaucoup d’énergie, mais son bilan carbone est très variable selon la source d’électricité utilisée, entre 1,7 et 23 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium primaire. En revanche, ce métal est recyclable indéfiniment sans perdre ses qualités et a un coût énergétique particulièrement réduit par rapport à la production d’aluminium primaire. C’est le métal le mieux adapté à l’économie circulaire et aux exigences de réduction des émissions de CO2.

Pourquoi l’aluminium ? C’est un métal léger, malléable, conducteur, avec de bonnes qualités mécaniques et résistant très bien à la corrosion. Ces propriétés en font le métal des transports (routiers, aériens, maritimes, ferroviaires), des emballages souples ou rigides, du bâtiment et de leur rénovation, de l’électronique, du transport et de la distribution d’énergie (câbles, lignes et bobinages), des loisirs et de la vie quotidienne.

La toxicité de l’aluminium est encore débattue, les études disponibles soulignent qu’une fois de plus c’est la dose qui fait le poison : les pathologies rencontrées sont consécutives à des expositions professionnelles.

 

À lire

Bardossy, G., 1997. Berthier, les Baux et I’histoire de la bauxite C.R. Acad. Sci. Paris, t. 324, série II a, p.1031 à 1040.

Berthier, P., 1821. Analyse de l’alumine hydraté des Beaux, département des Bouches-Du-Rhône, Annales des Mines, Paris, 1re série, 6, p. 531-534.

Daubrée, M., 1869, Notice sur P. Berthier, Annales des mines, Paris 6ieme série, Mémoires Tome XV, p.1 – 60

Keniry J., Aluminium smelting greenhouse footprint and sustainability, Light metals, 2008

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