1/10 – La population

RETOUR AU DOSSIER

Deuxième pays le plus peuplé d’Europe après la Russie, la France passe de 35,8 millions d’habitants en 1851 à 38,4 millions en 1870 : un Européen sur huit est français. L’Allemagne dépassera la France dès son unification en 1871. La croissance de 7,3% en deux décennies est inférieure à la croissance européenne : le taux d’accroissement annuel est de 3 pour mille en France quand il est de 8 en Angleterre ou en Allemagne, de 9 en Russie. Cette particularité française s’explique par deux causes : la mortalité se maintient à un niveau élevé tandis que la fécondité est la plus basse d’Europe.

Alors que 1870 et 1871 seront des années terribles, avec 600 000 décès, la France du Second Empire connaît peu de graves crises démographiques, à l’exception du choléra de 1854-1855 qui fait 146 000 morts, surtout dans le Midi et dans l’Est. Il faut donc chercher d’autres causes au taux de mortalité, notamment la mortalité infantile élevée : 30% des enfants meurent avant l’âge de cinq ans, ce qui explique que l’espérance de vie à la naissance soit encore basse : 39,1 ans pour les garçons, 40,6 pour les filles.

La fécondité, en baisse depuis longtemps en France alors qu’elle reste haute ailleurs en Europe, se stabilise sous le Second Empire autour de 3,5 enfants par femme, et connaît même un léger redressement. Elle baissera de nouveau à la fin du XIXe siècle, comme toute l’Europe cette fois.

La population étrangère, 1,7% en 1866, est surtout présente près des frontières (migrations locales) et à Paris où il s’agit de personnes aisées et cosmopolites. Le solde migratoire est négatif sous le Second Empire : près d’un demi million de Français ont quitté le territoire national.

Les principales migrations sont intérieures : ce sont celles qui conduisent des ruraux vers les villes. Le phénomène, ancien, devient spectaculaire sous le Second Empire. En vingt ans, la population urbaine totale augmente de près de 2,5 millions, et le taux d’urbanisation atteint 30% à la fin du règne. « Dans l’ensemble la hiérarchie urbaine n’est pas bouleversée : le classement des villes en fonction de leur taille est à peu près le même en 1866 qu’en 1851, et même qu’en 1801 » (Jacques Dupâquier). Mais des inégalités très importantes apparaissent entre les villes dont la démographie est stable et celles dont la population explose : Paris (à territoire constant) passe de 1 250 000 à 1 830 000 habitants (+ 46%), Marseille de 200 000 à 300 000 (+ 50%), Lyon de 250 000 à 325 000 (+ 50%), Bordeaux de 130 000 à 195 000 (+ 50%), et Lille de 74 000 à 150 000 (+ 100%).

Enfin, le Second Empire marque un progrès pour l’administration et pour les démographes, car les recensements de la population sont devenus beaucoup plus fiables et complets. Le bureau de la Statistique générale de la France, réorganisé en 1852 et dirigé pendant tout le règne de Napoléon III par le même homme, Alfred Legoyt, a mené trois recensements généraux, en 1855, 1861 et 1866, qui comportent désormais de nombreux détails sur les situations personnelles, familiales, professionnelles.

Yves Bruley, maître de conférences HDR à l’École Pratique des Hautes Études, directeur de France Mémoire

Crédits photos :

Illustration de l’article :

Bannière : Jour de semaine à Paris, par Adolph von Mendzel, 1869 © WikiCommons/Museum Kunstpalast

Bas de page : Foule devant une gare, anonyme, deuxième moitié du XIXe siècle © Paris Musées/Musée Carnavalet 

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut