7/10 – La capitale

RETOUR AU DOSSIER

Un touriste anglais arrivant dans la capitale ne vit d’abord que des quartiers en ruine : « C’est singulier, le Times ne nous avait pas informé d’un tremblement de terre. » Le Paris de Napoléon III est un immense chantier.

L’ambition de l’Empereur est de rénover profondément la capitale de la France, d’en faire un modèle de ville moderne et la véritable capitale de l’Europe. Dès les premiers mois du Second Empire, il se donne les moyens de réaliser les projets qu’il avait conçu lorsqu’il était en prison au fort de Ham, dans les années quarante. Il trouve l’homme de la situation en la personne du baron Eugène Haussmann, jusqu’alors préfet à Bordeaux. Impressionnant, décidé, efficace, il est nommé préfet de la Seine le 22 juin 1853. Il le restera jusqu’en janvier 1870. Son œuvre est immense, à tel point que l’on parlera d’ « haussmannisation » et de « Paris haussmannien ». Mais c’est pour une part une injustice de l’histoire, car le préfet n’a été que l’habile exécuteur d’un projet conçu et suivi assidûment par Napoléon III lui-même.

L’aspect le plus spectaculaire de leur œuvre commune est aussi l’aspect le plus connu : les grands axes à travers le vieux Paris, les nouveaux boulevards permettant une meilleure circulation entre le centre et les périphéries ; la reconstruction presque complète de l’île de la Cité ; l’édification des Halles, confiées à un architecte visionnaire, Baltard ; le développement des gares qui deviennent les véritables « portes » de Paris.

L’autre particularité de la révolution urbaine de Napoléon III est d’avoir redéfini le périmètre même de Paris. C’est une nouvelle ville qui est inventée. Dès 1857, la décision est prise de porter les limites administratives de Paris jusqu’aux fortifications. La ville annexe la première banlieue composée pour la plus grande partie de faubourgs ouvriers ou de quartiers pauvres, mais aussi, à l’ouest, de villages cossus en pleine expansion. Le 1er janvier 1860, Paris passe de 938 000 habitants à 1 825 000, et atteint ses limites actuelles. La superficie et la population seront doublées.

Le percement des grandes avenues a permis de diminuer la densité de la population dans les anciens arrondissements et de mieux répartir les habitants sur l’ensemble de la ville. Le centre-ville, où les loyers ont fortement augmenté, a vu s’éloigner cette population pauvre et instable qui avait renversé tous les régimes depuis 1789, et qui dut se reloger dans les quartiers plus périphériques. Le Paris d’Haussmann a renforcé l’opposition entre quartiers riches et quartiers pauvres, entre le Paris bourgeois et le Paris populaire.

Mais la politique de construction de monuments publics et d’équipements porte désormais sur les vingt arrondissements. L’éclairage au gaz se généralise ; l’adduction d’eau est repensée ; le réseau d’égouts est quadruplé. De grands hôpitaux sont édifié (la Pitié, l’Hôtel-Dieu, Lariboisière…), mais aussi des casernes, des théâtres, de grands lycées, des écoles (soixante-dix pour les seuls nouveaux arrondissements parisiens), et plus d’une vingtaine de lieux de cultes (églises ou synagogues). Sans oublier l’Opéra, confié à l’architecte Charles Garnier, mais encore inachevé à la chute de l’Empire.

Yves Bruley, maître de conférences HDR à l’École Pratique des Hautes Études, directeur de France Mémoire

Crédits photos :

Illustration de l’article :

Bannière : Percement de l’avenue de l’Opéra, peinture anonyme, 1878 © Paris Musées/Musée Carnavalet

Bas de page : Percement de l’avenue de l’Opéra : chantier de la Butte des Moulins, du passage Molière, vers 1877. Photographie de Charles Marville (1813-1879) © Paris Musées/Musée Carnavalet

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut