10/10 – Le domaine colonial

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Il est habituel de souligner que le domaine colonial français est passé, sous le Second Empire, de 300 000 km² à plus d’un million de km². Pour autant, il est difficile de dire que Napoléon III ait eu une vision d’ensemble d’un empire colonial français à travers le monde : en fait, sous le Second Empire, chaque situation doit être prise comme un cas particulier.

Louis-Napoléon a trouvé l’emprise de la France en Algérie déjà très étendue. Dans les premières années du Second Empire, l’armée française achève la conquête commencée en 1830 et soumet la grande Kabylie par la force en 1857. L’Algérie est alors « pacifiée », selon l’expression du temps, et la colonisation européenne se développe.

Peu à peu, Napoléon III se fait une idée originale du « vaste royaume en face de Marseille » (discours de Bordeaux en 1852). Un bref séjour en septembre 1860 le séduit et éveille son intérêt. Sa conception de l’Algérie sera bien celle d’un « royaume » et non d’une colonie. Il l’écrit au gouvernent général, le maréchal Pélissier, en 1863 : « L’Algérie n’est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe. Les indigènes ont comme les colons un droit égal à ma protection et je suis aussi bien l’empereur des Arabes que l’empereur des Français. » Contre la pratique des spoliations menée jusqu’alors, Napoléon III fait reconnaître « aux tribus arabes la propriété des territoires dont elles ont la jouissance perpétuelle et traditionnelle ».

Il effectue un second séjour en 1865, et déclare aux notables algériens : « Vous connaissez mes intentions […]. J’ai irrévocablement honoré vos chefs, protégé votre religion. Je veux augmenter votre bien-être, vous faire participer de plus en plus à l’administration de votre pays comme aux bienfaits de la civilisation. » Mais cette politique rencontre le scepticisme des gouverneurs généraux successifs et surtout l’hostilité des colons. Ces derniers reprendront le dessus en 1870. Entretemps, l’Algérie a été dotée de plus de 900 km de chemins de fer.

Le cas de la péninsule indochinoise est très différent. Après une ouverture diplomatique prometteuse du royaume de Siam, qui aurait donné à la France une influence dans la région pour rééquilibrer la puissance britannique, Napoléon III, sous la pression de la Marine et du clergé, s’oriente finalement dans les années 1860 vers un contrôle territorial et militaire en Cochinchine (1862) et au Cambodge (protectorat en 1863).

Par ailleurs, la France s’empare de la Nouvelle Calédonie en 1853. Elle étend son emprise au Sénégal (fondation de Dakar en 1857), s’établit à Cotonou et Djibouti. Mais on est loin, dans la pensée comme dans les actes, du véritable partage territorial de l’Afrique entre les grandes puissances coloniales, à la fin du XIXe siècle, dans un contexte français et mondial bien différent de celui du Second Empire. La Troisième République verra dans l’empire colonial une façon de compenser l’affaiblissement politique international de la France depuis sa défaite de 1870.

Yves Bruley, maître de conférences HDR à l’École Pratique des Hautes Études, directeur de France Mémoire

Crédits photos :

Illustration de l’article : Napoléon III rend la liberté à l’émir Abd el-Kader, par Ange Tissier, 1861 © WikiCommons/Palais de Versailles

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