Mort de Camille Saint-Saëns

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Par Marie-Gabrielle Soret, Conservateur au Département de musique de la Bibliothèque nationale de France


La disparition de Camille Saint-Saëns donna lieu à des funérailles nationales en décembre 1921, à Alger où il est mort, puis à Paris, à l’église de la Madeleine. La nation rendait ainsi hommage à l’un des musiciens les plus prolifiques, les plus actifs et les plus populaires de son temps. Compositeur et interprète virtuose à la renommée internationale, Saint-Saëns a marqué de son empreinte près de 80 ans de vie musicale en un temps où se croisent Berlioz et Rossini, Liszt et Wagner, Ravel et Stravinsky.  

L’enfant prodige de la musique

Né en 1835 à Paris, très tôt orphelin de père, de santé fragile (atteint de la tuberculose dès l’enfance), Camille Saint-Saëns est éduqué par sa mère et sa grand-tante qui surent déceler très vite ses dons hors du commun. Dès l’âge de 6 ans, il débute une carrière d’enfant prodige, à laquelle sa mère met sagement un terme car l’enfant révèle déjà un indiscutable talent de compositeur. 

Les essais de prime jeunesse mis à part (la 1ère œuvre a été écrite à l’âge de 3 ans et demi), les premières œuvres orchestrales du jeune compositeur suscitent déjà l’admiration de Berlioz et de Gounod, et à 15 ans sa carrière est lancée. Tout au long de sa vie, il va continuer à enrichir le répertoire des différents genres musicaux : musique de chambre, musique symphonique et concertante, musique vocale, musique religieuse, répertoire lyrique,… et y ajouter  la première musique de film de l’histoire du cinéma. Si ses deux échecs au Prix de Rome et sa réputation de « symphoniste » dissuadèrent longtemps les directeurs de maisons d’Opéra de présenter ses ouvrages lyriques, cela ne l’empêcha pas d’en écrire treize (dont le plus connu reste Samson et Dalilaet d’obtenir de grands succès sur les scènes nationales et internationales. La musique de Saint-Saëns jouissait d’une audience considérable de son vivant, et si de nombreuses œuvres ont été délaissées après sa disparition, quelques titres ont pourtant suffit à assurer sa postérité : le Carnaval des animaux, la Danse macabreSamson et Dalilala Symphonie n° 3 « avec orgue », Introduction et Rondo capriccioso, ou le Concerto pour piano et orchestre n° 5, ont toujours conservé la faveur du public. Ce ne sont pas moins de 600 œuvres aujourd’hui répertoriées que l’on redécouvre grâce à de nouveaux enregistrements et à la diffusion d’éditions critiques.

Un artiste complet

Saint-Saëns fut aussi l’un des plus grands interprètes de son temps et mena une carrière d’une remarquable longévité. Pianiste exceptionnel, il était aussi excellent organiste : titulaire du grand orgue de Saint-Merri, puis de celui de La Madeleine de 1857 à 1877 dont il démissionne pour retrouver sa liberté de mouvement. Pendant plus de 80 ans, il se produisit dans des milliers de concerts à travers le monde, au piano, à l’orgue et au pupitre de chef d’orchestre, pour interpréter ses propres œuvres mais aussi celles de ses contemporains et des maîtres anciens qu’il avait à cœur de faire découvrir ou redécouvrir. Quelques témoignages enregistrés permettent encore d’apprécier la virtuosité de son jeu.

Comptant parmi les premiers défenseurs de l’œuvre de Wagner, sans pour autant apprécier l’homme lui-même, Saint-Saëns s’est ensuite insurgé lorsque le wagnérisme a fait en France trop d’ombre aux compositeurs de sa génération qui peinaient à se faire entendre : Bizet, Lalo, Guiraud, Delibes, Fauré, et tant d’autres, qu’il a voulu soutenir en fondant la Société nationale de musique en 1871. Ses prises de paroles dans la presse où il ne dédaignait pas de déclencher la polémique, ses multiples talents et sa notoriété lui ont tôt fait attribuer le titre de « chef de file de la musique française », avant d’en devenir le « maître », puis le « doyen », au terme d’une carrière exceptionnellement riche. 

Ne recherchant pas les honneurs, sans pour autant les dédaigner, Saint-Saëns mena sa carrière à la marge des institutions officielles ; préférant conserver sa liberté de paroles et de mouvements. Décoré de la Légion d’honneur en 1868, élu à l’Institut en 1881, élevé à la dignité de Grand-Croix en 1913, il était devenu l’un des principaux représentants de la musique française sous la IIIe République et la faisait apprécier au-delà des frontières.

Créateur protéiforme, Saint-Saëns est l’exemple même d’un artiste complet qui cumule toutes les fonctions du musicien : compositeur, interprète, animateur et acteur écouté d’une vie musicale qu’il a marquée avant tout par ses œuvres mais aussi par ses initiatives et ses prises de paroles.

 

À lire 

Saint-Saëns, un esprit libre, Bibliothèque nationale de France | Opéra national de Paris, 2021 

Écrits sur la musique et les musiciens, 1870-1921, par Camille Saint-Saëns ; Marie-Gabrielle Soret (éd.), Paris, Vrin, 2012 

Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns, Eurydice Jousse et Yves Gérard (éd.), Lyon, Symétrie, 2009 

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