6/10 – La religion

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Les catholiques, avec la grande majorité de la population française, accueillent le coup d’État avec faveur, par crainte des « rouges », c’est-à-dire d’une révolution qui mettrait à terre tous les fondements de la société. L’immense majorité de l’épiscopat est aussi sur cette ligne. Louis Veuillot, journaliste catholique intransigeant, très influent dans le clergé français, écrit qu’il n’y a de choix qu’entre « Napoléon empereur ou la République socialiste ». Même Montalembert, héraut du libéralisme catholique, se rallie au régime – et le regrettera bientôt.

De son côté, le pouvoir politique compte s’appuyer sur l’Église pour arracher dans la classe ouvrière les mauvaises herbes idéologiques. Il ne suffit par d’améliorer les salaires et les conditions de vie des ouvriers, de plus en plus nombreux, on veut aussi leur enseigner la religion chrétienne.

Napoléon III augmente fortement le budget des cultes. Le traitement des prêtres est relevé ; l’État attribue des bourses aux séminaristes sans fortune, pour favoriser le recrutement du clergé ; de nouvelles paroisses sont créées, dans les villes en cours d’urbanisation rapide, comme dans les parties de la France rurale ; de très nombreuses églises sont construites, souvent dans un style néo-gothique censé représenter l’architecture française par excellence.

Les faveurs du régime ne se limitent pas à la religion majoritaire. Depuis Napoléon Ier et la mise en place du régime concordataire, l’État et les communes financent aussi les cultes protestants et juif (construction de temples et de synagogues, traitements versés aux ministres du culte, etc.).

Les dernières années du Second Empire sont dominées par la question romaine, la question scolaire et la question doctrinale. À Rome, un contingent français protège le pouvoir temporel du pape, presque sans interruption de 1849 à 1870. Pour autant, l’unification de l’Italie avec l’aide de Napoléon III éloigne les catholiques du régime. En France, les écoles confessionnelles sont florissantes, mais la politique menée par le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy est perçue par les catholiques comme une concurrence menaçante. La loi de 1867 impose à chaque commune la création d’une école publique pour les filles et encourage la gratuité par des subventions et des bourses scolaires. Sur le plan intellectuel, la plupart des grands penseurs, sans être forcément athées, voient dans le catholicisme un obstacle au Progrès. En 1863, la Vie de Jésus de Renan suscite de violentes polémiques. En 1864, le pape Pie IX condamne fermement à la fois le libéralisme et le socialisme dans un catalogue (Syllabus) de toutes « les erreurs modernes ». Ces tensions font perdre à Napoléon III les avantages de sa politique religieuse sans pour autant le réconcilier avec les anticléricaux. Il cherche parmi les libéraux de nouveaux appuis politiques. Mais les républicains accusent le régime d’avoir pratiqué « l’alliance du trône et de l’autel ».

Article d’Yves Bruley, maître de conférences HDR à l’École Pratique des Hautes Études, directeur de France Mémoire

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Illustration de l’article :

Bannière : La Bénédiction des blés en Artois, par Jules Breton, 1857 © WikiCommons/Dépôt du Musée d’Orsay

Bas de page : Nouvelle loi sur l’enseignement : – Ce sont les instituteurs qui reçoivent la férule. Vêtus en ecclésiastiques, Alfred de Falloux et Charles de Montalembert punissent un instituteur en le frappant sur la main. Caricature de la « petite loi sur l’instruction » ou loi Parieu, estampe de Charles Vernier, 1850 © WikiCommons

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