Albert Iᵉʳ, père fondateur de l’océanographie

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Textes réunis et composés par Thomas Blanchy, adjoint au directeur des Archives du Palais princier, Thomas Fouilleron, docteur en histoire et vice-président du Comité Albert Ier, et Stéphane Lamotte, docteur en histoire et secrétaire du Comité Albert Ier.


Passionné par le milieu marin, le prince est introduit dans les milieux scientifiques par le médecin physiologiste Paul Regnard, son condisciple du collège Stanislas. 

Un « prince navigateur »

Il mène personnellement, de 1885 à 1915, vingt-huit campagnes océanographiques avec quatre navires successifs. Il accueille à bord des scientifiques de nombreuses nationalités et encourage leurs travaux en les publiant. Il présente les résultats de ses campagnes à l’Académie des sciences et dans de nombreuses sociétés savantes – la société de Géographie dès 1885 –  par l’intermédiaire de conférences et de communications. Souhaitant une large divulgation de la science, le prince participe aux expositions universelles de 1889 et de 1900. Il fait bâtir à Monaco, à partir de 1898, le Musée océanographique, inauguré en 1910 et offert comme « une arche d’alliance aux savants de tous les pays ». Dans un contexte de tension internationale, il assigne un but de paix à la science « qui n’a pas de patrie parce qu’elle appartient à l’Humanité » et parce qu’elle « efface la séparation artificielle des frontières, de la politique ou des religions ».

L’Institut océanographique

Il donne donc un caractère largement international à l’Institut océanographique, sa fondation créée en 1906 et dont le bâtiment parisien est inauguré en 1911. Si le prince choisit la capitale française pour l’établissement qu’il destine à l’enseignement de l’océanographie, qui était absente dans l’université française, et se fait mécène de la Sorbonne, c’est pour « combler une lacune » et parce que « Paris a gagné la reconnaissance du monde intellectuel ». Bien entendu, son amour de la France ne se limite pas à sa capitale et se nourrit d’un lien affectif avec tout son territoire, au gré d’une géographie savante et sensible. Nous pouvons citer son attachement aux ports du départ de ses expéditions, Lorient, Le Havre, Cherbourg, ou bien le chapelet de ses itinérances lorsqu’il effectue, de 1902 à 1905, son propre « tour de France » au cours de plusieurs randonnées sur l’autocyclette Clément ou la motocyclette Humber Beeston.

Le mécénat scientifique

Soucieux d’éclairer les origines de l’humanité, Albert Ier encourage aussi les fouilles préhistoriques. Il crée à Monaco un musée d’anthropologie préhistorique et en 1910, dans le « centre universitaire » qu’est Paris, un « foyer puissant d’études », l’Institut de paléontologie humaine, dont le bâtiment est inauguré en 1920. L’admission comme membre de l’Institut de France, distinction qui pour Albert Ier « imprime au travailleur une marque de la noblesse moderne », résonne comme la récompense suprême de ses travaux et de son mécénat : correspondant depuis 1891, il est élu associé étranger de l’Académie des sciences en 1909. Son parcours de marin donne lieu à un récit de voyage, La carrière d’un navigateur, publié plusieurs fois entre 1902 et 1914.

Discours sur l’Océan

Le discours sur l’Océan prononcé devant l’Académie des sciences de Washington le 25 avril 1921, une année avant sa mort, est resté célèbre en raison de l’élan visionnaire avec lequel le prince Albert Ier y évoque les enjeux majeurs de la connaissance du monde marin, et met en garde contre la surexploitation de ses ressources. Ces mots sont aujourd’hui plus actuels que jamais :

« Si nous trouvons un intérêt considérable à suivre l’Histoire de la vie depuis ses origines dans la mer, avec quelle ferveur passionnée ne devons-nous pas étudier l’Incident de cette Histoire où se trouve comprise l’évolution des êtres qui portèrent si longtemps en eux le germe de l’Humanité ! […] Le Palais de la mer, qui domine Monaco et les siècles d’ignorance, s’enrichit tous les jours avec les dépouilles que mes collaborateurs et moi nous avons recueillies à tous les niveaux de l’Océan et sur tous ses fonds, partout où elles attendaient qu’un esprit nouveau dans l’Humanité leur demandât ce qu’elles pouvaient révéler sur les origines du monde. Car il existe peu de champs du domaine scientifique terrestre dont on ne puisse prolonger la culture jusque dans le domaine maritime ; et progressivement, l’Institut Océanographique et le Musée ont vu leurs laboratoires fréquentés par les travailleurs les plus divers, touchés par cette notion que l’Océan possède une réserve immense des éléments qui ont formé notre planète et des forces qui la gouvernent.

L’heure a sonné pour la considération mondiale des grands problèmes de l’Océan, que l’Humanité doit entreprendre avec ses meilleurs moyens car ils lui donneront plus vite les progrès qui vaincront sa barbarie, si forte encore dans les racines mêmes de la civilisation. » (Lire l’intégralité du discours sur l’Océan sur www.oceano.org)

Texte abrégé et adapté de Jacqueline Carpine-Lancre et Thomas Fouilleron, « Albert Ier, prince de Monaco », in Dictionnaire des étrangers et des immigrés qui ont fait la France (de 1789 à nos jours), Pascal ORY (dir.), Paris, Éd. Robert Laffont, 2013

À lire :

LAMOTTE, Stéphane, Les mondes d’un prince. Albert Ier de Monaco et son temps (1848-1922), Paris, La Martinière, 2022, 160 p..

ALBERT Ier, prince de Monaco, La carrière d’un navigateur, 3e édition illustrée par Louis Tinayre, Monaco, Palais de S.A.S. le Prince, 1913/1914

CARPINE-LANCRE, Jacqueline, FOUILLERON, Thomas, « Albert Ier, prince de Monaco », Dictionnaire des étrangers et des immigrés qui ont fait la France (de 1789 à nos jours), Pascal ORY (dir.), Paris, Éd. Robert Laffont, 2013

THIRAULT, Philippe (auteur), CLOT, Christian (scénariste), SANDRO (dessinateur), Albert Ier de Monaco – le prince explorateur, Paris, Glénat, coll. « Explora », 2018

Crédits photos : 

Illustration de l’article : Résultats des campagnes scientifiques accomplies sur son yacht par Albert Ier, prince souverain de Monaco © WikiCommons

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