Naissance de la mathématicienne et astronome Nicole-Reine Lepaute

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Par Françoise Combes, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des sciences


Nicole-Reine Lepaute est née en 1723 à Paris, au Palais du Luxembourg, son père Jean Étable étant alors au service de la reine d’Espagne, Élisabeth d’Orléans. Nicole-Reine fut dès l’enfance brillante, d’esprit curieux, travailleuse, très douée en mathématiques. Autodidacte, elle fut une « savante calculatrice », comme l’appelait le mathématicien Clairaut. Notamment, elle calcula l’orbite de la comète de Halley pour prévoir son retour, ce qui la fit entrer dans le cercle restreint des femmes cultivant les sciences exactes au XVIIIe siècle, comme Émilie du Châtelet, Sophie Germain ou Marie-Anne Lavoisier.

À l’aube du XVIIIe siècle, la révolution newtonienne

Pour mieux comprendre l’importance et l’impact des calculs de Madame Lepaute, précisons quelques éléments de contexte : le XVIe siècle connaît la révolution de Copernic, l’héliocentrisme est confirmé par Galilée (1564-1642), et Kepler (1571-1630) établit les orbites elliptiques des planètes, avec le soleil comme foyer. Au XVIIe siècle, la théorie de la gravité n’est pas encore établie. Descartes (1596-1650) avait du mal à admettre l’interaction à distance et pensait que les interactions gravitationnelles étaient dues à un éther, et aux tourbillons qui s’y déplaçaient pour justifier de ces interactions. Newton en 1697 publie en latin les Principia Mathematica, la loi universelle de la gravitation. La force de gravité que nous ressentons sur Terre est la même que celle qui régit le mouvement des planètes.

Du pendule à la comète, l’horlogerie céleste de Mme Lepaute

À la même époque, Edmond Halley (1656-1742) affirme en 1705 que la comète qui est passée près du soleil en 1682, est la même que celle qui était passée en 1531 et 1607. Il prédit que la période étant de 76 ans, elle va repasser en 1758.  C’est à cette prédiction, qui finalement n’était pas si exacte, que va s’attaquer Nicole-Reine Lepaute, travaillant en collaboration avec l’astronome Jérôme Lalande de l’Académie des sciences. Son mari, Jean-André Lepaute est horloger du roi en 1753, et se lance dans la conception et la construction de pendules astronomiques. Nicole-Reine fait ses premières armes en calculant des tables d’oscillations du pendule pour le Traité d’horlogerie de son mari.

La prédiction de Halley : un défi mathématique titanesque !

À partir de juin 1757, Nicole-Reine Lepaute et Jérôme Lalande vont utiliser les formules de l’académicien Alexis Clairaut afin de préciser le mois d’apparition de la célèbre comète. Il faut faire un grand nombre de calculs pour prendre en compte les perturbations de Saturne et Jupiter et le travail est monstrueux. Avec l’aide de Clairaut, Lalande et Lepaute travaillent d’arrache-pied, du matin au soir, pendant 6 mois, afin de terminer avant l’arrivée de 1758. Il faut faire vite, pour ne pas être pris de court par l’arrivée de la comète. Leurs calculs prévoient un retard de 518 jours dû à Jupiter et de 100 jours dû à Saturne. Ils annoncent donc le retour de la comète, non en 1758, mais en 1759 avec un passage au périhélie en avril 1759, avec une incertitude d’un mois. Lorsque la comète réapparut en décembre 1758 avec un passage au périhélie le 13 mars 1759, ce fut un triomphe. Cette prévision permit d’asseoir définitivement la mécanique newtonienne en France, la théorie des tourbillons de Descartes tombant définitivement dans l’oubli.

La reconnaissance (relative) du monde savant

C’est Clairaut qui publie dans son traité des comètes, le calcul du périhélie de la comète de Halley. Il ne cite pas la contribution de Nicole-Reine Lepaute ! Lalande en est stupéfait, et se brouille avec Clairaut. Apparemment, cet « oubli » était pour faire plaisir à sa compagne du moment, jalouse de Mme Lepaute. Nicole-Reine Lepaute calcula pendant 10 ans les éphémérides des planètes, publiées dans la Connaissance des temps, publication célèbre de l’Académie, encore en vigueur aujourd’hui. Elle contribua aux calculs pour le passage de Vénus devant le disque du Soleil de 1761, et écrivit à cette occasion plusieurs mémoires pour l’Académie de Béziers dont elle fut, la même année, élue membre associé.

Crédits photos : 

Illustration de la page d’accueil : L’école d’Athènes, détail d’une fresque de Raphaël (1508-1512). Le personnage d’allure féminine est parfois associé à la mathématicienne et philosophe Hypatie d’Alexandrie © Wikicommons / Musée du Vatican

Illustration du chapô : Portrait de Nicole-Reine Lepaute, attribué à Guillaume Voiriot © WikiCommons

Illustration de la notice générale : La carte de l’éclipse solaire du 1er avril 1764, par Nicole-Reine Lepaute et les graveuses Marie Lattré et Élisabeth-Claire Tardieu © Gallica / BnF

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